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matin, les soldats allemands ont disparu. Envolés  ?
Repliés ? « Nach Berlin ? » Personne ne saurait le dire dans
le village. Ainsi vont les incertitudes, les hésitations de la
guerre tandis que les blindés américains approchent de Paris.
Ils vont traverser le village, dit-on. Mon Dieu, s’il vous plaît.
Regardez ! Là-bas, un nuage de poussière, une voiture vient…

Mauvais jour pour Soisy. La petite troupe vert-de-gris est de
retour. Mais on les croyait enfuis, les Allemands ! Ce cauche-
mar ne finira-t-il jamais ? Ce mardi, ils sont là, planqués dans
le château des Réaux – sorte de pâtisserie pompeuse de style
Louis-Philippard sur le flanc du village. Trente types, pas un
de plus, attendent les Américains. Oncle Adolf est leur dieu,
ils le servent sans compter leur peine, ils ne lâcheront rien.
Cinq ans déjà qu’ils dévastent l’Europe jusqu’aux plaines de
l’Ukraine. Ils pilleront jusqu’au bout, méthodiquement, la
France accablée, pauvre pute soumise. Ces hommes sont des
soldats, la guerre est leur affaire. Mourir est un métier, et l’on
ne meurt qu’une fois. Stalingrad, Omaha Beach. En attendant
de tomber au combat, ils « retiennent » une dizaine d’habi-
tants au château… au cas où. Français ? Kaput. Rien. Zéro.
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