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llé la dérangeait. 2 corps pendus, démembrés et brûlés.
Quelle misère de se construire sur ce genre de fondations, de pre-
mières pierres. Les semaines ont passé, les mois, les années. La
culpabilité du survivant couplée à la volonté d’avancer. Elle ne
pouvait pas partager ses sentiments. En arrivant à Marseille les
Uwimana ne s’étendirent pas sur leur passé. Aucune question, au-
cune pitié. Mais Rokia se souvenait.
Le lendemain du massacre de ses grands-parents, sa famille alla
se réfugier dans la salle commune du village. Des hommes im-
portants leur avaient dit que là-bas, ils seraient protégés. Après
coup, Rokia avait des flashs. Elle se voyait dans un train comme
une juive, un enfant au Vél d’Hiv, du bétail dans le noir, un co-
chon à l’abattoir. Son papa, sa maman faisaient confiance à ces
gens. Ils étaient prêts à tout pour sauver leurs enfants.
Mais les figures changeaient, les conseils devenaient des ordres,
les vestes se retournaient. On se bousculait. Il y avait des blessés.
La petite fille vit un éborgné sortir sous la pluie pour nettoyer ses
plaies. Puis les grilles se refermèrent. Les cris commencèrent à
percer ses pensées. Les bourdonnements s’installèrent tranquil-
lement dans son cerveau d’enfant.
Soudain les autorités sortirent 4 hommes. Les pauvres furent
à moitié égorgés et on les laissa aux yeux de tous se vider. À
l’extérieur ce n’était plus des êtres humains, tant leurs visages
étaient déformés par la colère, la haine, la méchanceté à fleur de
veine. Les 4 types furent enterrés vivants, pour l’exemple, juste
parce qu’ils étaient Tutsis. L’extermination avait commencé. Il
ne devait rester que des Hutus.
Les soldats arrivèrent. Sortirent les jolies femmes et les vio-
lèrent. La maman de Rokia s’était allongée par terre simulant
un coma, protégeant son petit frère. Les mâles ne s’empêchaient
rien. Puis, ils envoyèrent les grenades. Rokia se mit à tousser, à
vomir et à tituber. À 7 ans, on se souvient.
Un mois et deux jours que les Uwimana crevaient là, avec plus
d’un millier d’autres villageois. La salle commune était devenue
une réserve qui ne servait qu’à l’amusement de leurs bourreaux.
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Quelle misère de se construire sur ce genre de fondations, de pre-
mières pierres. Les semaines ont passé, les mois, les années. La
culpabilité du survivant couplée à la volonté d’avancer. Elle ne
pouvait pas partager ses sentiments. En arrivant à Marseille les
Uwimana ne s’étendirent pas sur leur passé. Aucune question, au-
cune pitié. Mais Rokia se souvenait.
Le lendemain du massacre de ses grands-parents, sa famille alla
se réfugier dans la salle commune du village. Des hommes im-
portants leur avaient dit que là-bas, ils seraient protégés. Après
coup, Rokia avait des flashs. Elle se voyait dans un train comme
une juive, un enfant au Vél d’Hiv, du bétail dans le noir, un co-
chon à l’abattoir. Son papa, sa maman faisaient confiance à ces
gens. Ils étaient prêts à tout pour sauver leurs enfants.
Mais les figures changeaient, les conseils devenaient des ordres,
les vestes se retournaient. On se bousculait. Il y avait des blessés.
La petite fille vit un éborgné sortir sous la pluie pour nettoyer ses
plaies. Puis les grilles se refermèrent. Les cris commencèrent à
percer ses pensées. Les bourdonnements s’installèrent tranquil-
lement dans son cerveau d’enfant.
Soudain les autorités sortirent 4 hommes. Les pauvres furent
à moitié égorgés et on les laissa aux yeux de tous se vider. À
l’extérieur ce n’était plus des êtres humains, tant leurs visages
étaient déformés par la colère, la haine, la méchanceté à fleur de
veine. Les 4 types furent enterrés vivants, pour l’exemple, juste
parce qu’ils étaient Tutsis. L’extermination avait commencé. Il
ne devait rester que des Hutus.
Les soldats arrivèrent. Sortirent les jolies femmes et les vio-
lèrent. La maman de Rokia s’était allongée par terre simulant
un coma, protégeant son petit frère. Les mâles ne s’empêchaient
rien. Puis, ils envoyèrent les grenades. Rokia se mit à tousser, à
vomir et à tituber. À 7 ans, on se souvient.
Un mois et deux jours que les Uwimana crevaient là, avec plus
d’un millier d’autres villageois. La salle commune était devenue
une réserve qui ne servait qu’à l’amusement de leurs bourreaux.
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