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n-Lo

Bertille papillonnait d’émissions en interviews. Elle était l’attrac-
tion du moment. Faut dire qu’elle avait toutes les caractéristiques
de la bonne cliente, comme on dit. Déterminée, atypique, jolie,
cultivée, réac’, clivante, de droite et terriblement gauche ! Sa soi-
rée aura eu les effets escomptés au-delà de ses espérances, se di-
sait-elle. Elle pensait truster deux/trois blogs normands. Bertille
venait de boucler un grand entretien pour le New York Times.
Une déferlante. Le peu de temps qui lui restait, la jeune femme le
passait au CHU auprès d’Alex à écouter battre son cœur.
Jean-Lo ne la voyait plus et il faut avouer que ça ne le traumati-
sait pas vraiment. Il avait tellement à faire. L’attentat l’atteignit
terriblement. Une émotion abyssale. Il avait besoin de se retrou-
ver seul. Ses enfants partirent une semaine dans sa belle-famille.
Il alluma un feu de cheminée dans la bibliothèque et s’encastra
dans son fauteuil club Chesterfield favori. Le Duc avait du mal à
en parler, mais il ressentait l’étrange sensation d’avoir sauvé des
vies. Jean-Lo se considérait habituellement comme fuyant et plu-
tôt lâche, ça ne lui posait aucun problème. Au quotidien, il était
conscient d’affronter rarement les situations. Il contournait, omet-
tait et se faisait discret. Sa vie était mystérieuse, pas par convic-
tion, mais par manque de courage. Ce soir-là, il avait hurlé de
tout son ventre pour qu’on le suive. Direction la cave. On pouvait
compter au moins 50 personnes là-dedans. Quand la porte se fer-
ma, il bomba le torse naturellement et pensa à Jean Moulin. Jean-
Laurent mit de l’ordre dans la panique, rassura ses troupes et géra
l’attente comme un soldat. Quand la police arriva, il tapa sa date
de naissance sur le boîtier digital et le sas libéra ses invités sans
encombre. Certains le prirent dans leurs bras, lui serrèrent la main,
le fixèrent plein de sagesse. Son œuf anal vibrait régulièrement sans
que ça ne lui procure aucun plaisir. Rapidement, il se retrouva seul
dans cette pièce voûtée au milieu de ses grands-crus, adossé aux
pierres jaunes, fraîches comme une peau d’adolescent. Il se sen-
tait fier et ça le rendait joyeux. Il se félicitait d’être heureux mais
n’osait pas le scander haut et fort. Jean-Lo n’avait pas une once de
vanité et ne cherchait pas la reconnaissance. Il voulait juste être

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