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violon alto à partir de 14h. Catéchisme le jeudi en fin de jour-
née, communion et confirmation. C’était comme ça qu’il fallait
faire, alors il le faisait. Tony passait toutes ses vacances chez ses
grands-parents à côté de Cannes, seul, à regarder la mer. Il aimait
quand sa mamie allumait Julien Lepers et répondait à toutes les
questions du 4 à la suite. Il lui demandait souvent pourquoi elle
ne s’inscrivait pas au jeu-télé pour gagner des dictionnaires. Elle
lui répondait que le billet de train pour monter à Paris coûtait plus
cher qu’une encyclopédie sur les mouches d’Amérique du sud.
Alors il attendait 18h et se posait sur une chaise à côté du fauteuil
médicalisé qu’il rêvait de lui emprunter secrètement avant que le
jingle de l’émission retentisse dans tout l’appartement.
C’est à peu près à cette époque que Tony commença à avoir des
petites manies, des petites obsessions. On en a tous, c’est normal.
Il se lavait les mains dès son réveil, puis après sa douche, avant de
s’habiller, au milieu des repas. Il consommait environ 2 Pousse-
Mousse par semaine. Sa grand-mère était si fière de lui !
Il ne pouvait pas dormir si la collection de Tintin n’était pas ran-
gée dans l’ordre chronologique. Tintin au pays des Soviet, 1930.
Tintin au Congo 1931, Tintin en Amérique, 1932. Les Astérix
c’était par ordre alphabétix, du nom commun qui suivait Astérix.
Le premier était donc Astérix chez les Belges, et ceatera, et cea-
tera. Tous les soirs, avant de se coucher, il vérifiait son étagère,
même si personne n’avait touché une BD de la journée.
Le temps passant il se rendait bien compte qu’il cumulait les pe-
tites bizarreries, mais Tony était suffisamment discret pour en être
le seul témoin. Il avait une technique très finement élaborée pour
ne pas marcher sur les jointures des trottoirs et son déhanche-
ment naturel pouvait tout à fait justifier que parfois il sautille,
que parfois il fasse de légers entrechats en pleine rue piétonnière.
Il ne pouvait s’empêcher de répéter 2 fois dans sa tête tous les
mots commençant par M. Un merci à voix haute générait toujours
l’écho d’un merci cérébral. Adulte, Tony ne pouvait prendre le
train sans laisser un petit cheveu sur les quais, très discrètement,
quotidiennement. S’il ne faisait pas cela, le train déraillerait pro-
bablement ; en tout cas il préférait le faire pour éviter l’angoisse
durant le voyage. Il devait chasser l’obsession de son esprit pour

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