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deux gars se turent une minute, deux minutes, trois minutes.
Émelyne sifflait son 4e Perrier, elle était toute déshydratée.
— C ’est pas con Émelyne, ouais pas du tout con. Et tu peux nous
aider ? On a besoin d’un cerveau comme le tien, pis on te refile
un petit billet.
Avoir besoin du cerveau d’Émelyne… Les choses avait décidé-
ment bien changé.
Marge
Marge s’était laissée embarquer. Mais voilà, ces trois femmes la
touchaient. Elle voyait à travers elles, le soupçon d’une dernière
aventure. Pourtant elle détestait cette situation à base de décès,
de chantage, de pseudo-pouvoir et d’élection. À bientôt 90 ans,
elle aurait pu accompagner une jeune fille à un concours national
de piano. Conseiller une gamine pour fixer ses pointes, tenir son
dos afin d’avoir le plaisir de danser à tire-larigot. Discuter avec
une ado pour qu’elle accepte son corps, ses envies et sa libido.
Marge aurait pu faire tout ça. Elle s’en savait capable. Mais à la
place, elle se retrouvait avec Bertille, Béatrice et Émelyne dans
une espèce de tunnel vaseux, bouché par des fachos et des imbé-
ciles heureux. Marge les surveillait tous, comme du lait sur le feu.
C’est sûrement pour cela qu’elle restait, qu’elle continuait. Car
une fois de plus, une fois encore, elle maternait.
Son démon et son ange complotaient. L’un cherchant à éteindre
les flammes d’un souffle tragique. L’autre à les attiser d’une bour-
rasque toxique. Cette dualité la rendait mélancolique. Elle avait
toujours voulu être un objet sensible. Jaillir vers l’extérieur, mais
là, maintenant, Marge se voyait rabougrie, éteinte, sans vigueur.
Devait-elle laisser ces biches marcher de leurs frêles cannes ?
Fallait-il les accompagner au milieu de la forêt, loin des loups
et des sangliers ? Où son rôle s’arrêtait ? Où sa vie l’emmenait ?
Elle se fit un gros joint. Fumer la rendait clairvoyante, comme
une pythie, un chaman. Évidemment qu’elle écouterait son cœur.
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Émelyne sifflait son 4e Perrier, elle était toute déshydratée.
— C ’est pas con Émelyne, ouais pas du tout con. Et tu peux nous
aider ? On a besoin d’un cerveau comme le tien, pis on te refile
un petit billet.
Avoir besoin du cerveau d’Émelyne… Les choses avait décidé-
ment bien changé.
Marge
Marge s’était laissée embarquer. Mais voilà, ces trois femmes la
touchaient. Elle voyait à travers elles, le soupçon d’une dernière
aventure. Pourtant elle détestait cette situation à base de décès,
de chantage, de pseudo-pouvoir et d’élection. À bientôt 90 ans,
elle aurait pu accompagner une jeune fille à un concours national
de piano. Conseiller une gamine pour fixer ses pointes, tenir son
dos afin d’avoir le plaisir de danser à tire-larigot. Discuter avec
une ado pour qu’elle accepte son corps, ses envies et sa libido.
Marge aurait pu faire tout ça. Elle s’en savait capable. Mais à la
place, elle se retrouvait avec Bertille, Béatrice et Émelyne dans
une espèce de tunnel vaseux, bouché par des fachos et des imbé-
ciles heureux. Marge les surveillait tous, comme du lait sur le feu.
C’est sûrement pour cela qu’elle restait, qu’elle continuait. Car
une fois de plus, une fois encore, elle maternait.
Son démon et son ange complotaient. L’un cherchant à éteindre
les flammes d’un souffle tragique. L’autre à les attiser d’une bour-
rasque toxique. Cette dualité la rendait mélancolique. Elle avait
toujours voulu être un objet sensible. Jaillir vers l’extérieur, mais
là, maintenant, Marge se voyait rabougrie, éteinte, sans vigueur.
Devait-elle laisser ces biches marcher de leurs frêles cannes ?
Fallait-il les accompagner au milieu de la forêt, loin des loups
et des sangliers ? Où son rôle s’arrêtait ? Où sa vie l’emmenait ?
Elle se fit un gros joint. Fumer la rendait clairvoyante, comme
une pythie, un chaman. Évidemment qu’elle écouterait son cœur.
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