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revanche, elle doutait de plus en plus de l’action publique. Une
machine trop grosse pour aider vraiment les gens. Elle savait les
politiques déconnectés, pas forcément par nature mais plus par
défaut. Petit à petit, une fois aux manettes, ils se rendaient compte
qu’ils ne pouvaient rien faire… que les outils qu’ils avaient en
main étaient devenus trop complexes pour enclencher un effet sur
la vie des gens.

Marge avait entendu l’autre matin dans son poste de radio, Jean-
Pierre Joyet dire qu’il était déçu de ne pas avoir réussi à changer
l’appareil d’état… elle avait éclaté de rire en repompant un peu
sur son pétard. Le mec avait été directeur de cabinet au ministère
de l’Industrie de 88 à 91 sous Mitterand, directeur de cabinet ad-
joint du premier ministre Jospin, ambassadeur sous Sarkozy, un
petit tour dans le gouvernement de Fillon, une balade à l’autorité
des marchés financiers, secrétaire général de la présidence de la
république sous Hollande, mentor d’Emmanuel Macron durant
15 ans et le gars disait calmement que son regret était de n’avoir
rien pu changer… hahaha… Qui aurait pu alors ? Qui ?
Une belle bande de clébards soumis aux lobbys et à la finance.
Le capitalisme était une gangrène beaucoup plus profonde qu’un
slogan de punk à chien. Le système économique actuel avait tout
rongé. Tout décapité. Laissant des miettes.
Marge se glissa sous sa couverture et fit sa sieste du matin sans
demander son reste, en espérant seulement de ne pas rêver de
Christian Jacob !

Béatrice & Tony

Tony avait son rituel en rentrant du boulot. Il retirait sa cravate,
mettait toujours son petit gilet gris, se glissait dans une paire de
New-Balance confortables en guise de charentaises puis allumait
la télé quand elle ne l’était pas. Il allait ensuite voir Léopold son
garçon de 10 ans, qui une fois ses devoirs finis, s’engluait sur sa
Switch. Sans lever les yeux, ils échangeaient malgré tout quelques

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