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alités. Dans la foulée il entrait délicatement dans la piaule de
Timotée son fils de 8 ans, qui construisait des quartiers résiden-
tiels dans Minecraft. Il trouvait ses progénitures bien sages et tel-
lement en avance pour leurs âges. Au dernier étage Tony était
certain d’y trouver Béatrice, Béa, BB, sa femme qui rincerait son
masque capillaire, fignolerait son épilation pubienne ou tenterait
des associations de bijoux fantaisie avec son dernier sac Darel. La
maison était calme, car la vie était calme. Des coquillettes glis-
seraient dans une casserole d’eau bouillante, le jambon bio serait
découpé en charpie et Tony mettrait le tout dans des grands bols
japonais super kawaï car le contenant est toujours plus important
que le contenu. Il bossait dans la pub, il avait fait des études pour
savoir tout ça !
Une fois les enfants nourris, les dents brossées et la petite histoire
racontée, c’était « tout le monde au dodo !». Il était 20h15 et ce
charmant couple pouvait enfin se coller dans sa méridienne devant
la fin de Quotidien, un talk show d’infotainment - de l’info qui
divertit - parce que sinon l’info c’est pas très drôle. C’est de l’info.
À l’écran y’avait des gens mi-chroniqueurs, mi-journalistes, ils
ironisaient sur des sujets sérieux et polémiquaient en parlant de
conneries sans intérêt. La démarche n’était pas idiote, elle était
même lucide. Il fallait de la légèreté partout, surtout quand tout
est lourd.
Il était impossible pour Béa et Tony de regarder Hanouna, la
vulgarité, très peu pour eux. Ils ne supportaient pas sa bande de
tocards, sortie de nulle part, commentateurs de comptoirs, se
prendre la quiche pour des nouilles dans le slibard. Ils attendaient
beaucoup plus de la télé. Ce petit objet qui les avait élevés. Une
fois leur compote-litchi-bio engloutie, ils se vianderaient devant
Le Meilleur Pâtissier, ou critiqueraient le pauvre gars qui cherche
des appartements en se faisant insulter.
6h45, un iphone fait un chant de grenouille. Tony doit aller chier.
Il se force à ouvrir ses paupières pour regarder le titre de lequipe.fr,
voir les résultats du championnat de foot, un peu de NBA, scrol-
ler sur Yahoo People et se rendre compte qu’il ne connaît pas
une personnalité sur deux. Faut dire qu’il n’a jamais eu assez de
vice pour regarder « Les Marseillais à Los Angeles ». Béa filerait
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Timotée son fils de 8 ans, qui construisait des quartiers résiden-
tiels dans Minecraft. Il trouvait ses progénitures bien sages et tel-
lement en avance pour leurs âges. Au dernier étage Tony était
certain d’y trouver Béatrice, Béa, BB, sa femme qui rincerait son
masque capillaire, fignolerait son épilation pubienne ou tenterait
des associations de bijoux fantaisie avec son dernier sac Darel. La
maison était calme, car la vie était calme. Des coquillettes glis-
seraient dans une casserole d’eau bouillante, le jambon bio serait
découpé en charpie et Tony mettrait le tout dans des grands bols
japonais super kawaï car le contenant est toujours plus important
que le contenu. Il bossait dans la pub, il avait fait des études pour
savoir tout ça !
Une fois les enfants nourris, les dents brossées et la petite histoire
racontée, c’était « tout le monde au dodo !». Il était 20h15 et ce
charmant couple pouvait enfin se coller dans sa méridienne devant
la fin de Quotidien, un talk show d’infotainment - de l’info qui
divertit - parce que sinon l’info c’est pas très drôle. C’est de l’info.
À l’écran y’avait des gens mi-chroniqueurs, mi-journalistes, ils
ironisaient sur des sujets sérieux et polémiquaient en parlant de
conneries sans intérêt. La démarche n’était pas idiote, elle était
même lucide. Il fallait de la légèreté partout, surtout quand tout
est lourd.
Il était impossible pour Béa et Tony de regarder Hanouna, la
vulgarité, très peu pour eux. Ils ne supportaient pas sa bande de
tocards, sortie de nulle part, commentateurs de comptoirs, se
prendre la quiche pour des nouilles dans le slibard. Ils attendaient
beaucoup plus de la télé. Ce petit objet qui les avait élevés. Une
fois leur compote-litchi-bio engloutie, ils se vianderaient devant
Le Meilleur Pâtissier, ou critiqueraient le pauvre gars qui cherche
des appartements en se faisant insulter.
6h45, un iphone fait un chant de grenouille. Tony doit aller chier.
Il se force à ouvrir ses paupières pour regarder le titre de lequipe.fr,
voir les résultats du championnat de foot, un peu de NBA, scrol-
ler sur Yahoo People et se rendre compte qu’il ne connaît pas
une personnalité sur deux. Faut dire qu’il n’a jamais eu assez de
vice pour regarder « Les Marseillais à Los Angeles ». Béa filerait
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