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mette en action afin de l’équilibrer. Le jeune homme se sentait
réellement papa depuis pas longtemps. En fait dès le jour où il
avait compris que ses enfants étaient voués à devenir des êtres
indépendants. En pigeant que les élever, c’était leur donner ce qu’il
fallait pour qu’ils se trouvent eux-mêmes. Tony ne voulait plus
avoir de regrets. Mission impossible, mais c’était bien d’essayer.
Il flirta avec les cathédrales, questionna de nombreuses synagogues,
chercha la transe dans un mandir, se recueillit dans une pagode.
Ses lectures changeaient. Tony troqua tous ses Marvel contre des
écrits spirituels. Les contenus étaient souvent similaires. Duels du
bien contre le malin. La quête du soi. L’épanouissement comme
règle de base du vivant. Que des trucs où se renforcer psycholo-
giquement t’amène à plus de lucidité sur le présent. Jésus et Spi-
derman, même combat. Honnêtement, ça l’épanouissait de savoir
que dorénavant, il avançait en étant conscient.
Sur cette terrasse, place du Vieux Marché, il sirotait son Schweppes
Tonic en lisant La puissance de la joie. C’est dingue, mais depuis
toujours, chaque fois qu’il entendait Fréderic Lenoir, ce gars-là
l’intéressait. Il avait attendu 35 ans avant de se plonger dans l’un
de ses ouvrages. Et là, Tony dégustait ses versets athées, comme
un menu de chez Paul Pairet. Avec délicatesse et respect. Soudain
une voix l’interpella.
— S ’il vous plaît monsieur, vous n’auriez pas du feu par hasard ?
— A h désolé je ne fume pas.
— O h vous n’avez pas à être désolé, bien au contraire.
— O ui, enfin façon de parler.
— A u vu de ce que vous êtes en train de lire, il ne faut plus avoir

de « façon de parler » vous savez. Être dans le présent et savoir
l’apprécier, c’est avant tout se détacher de tous les automa-
tismes dans lequel nous sommes enfermés.
— A h mais je vois que madame sait de quoi elle parle, dit Tony en
apportant un peu plus d’intérêt à sa voisine de tabouret. Dites-
m’en plus, je suis tout attentionné.
— N on, moi vous savez, je ne vous demandais que du feu. J’veux
surtout pas vous déranger.
— M ais pas du tout, je suis très curieux sur le fait que vous m’en
disiez un peu plus sur ce sujet.

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