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mouvement de son torse mécanique, rendait l’horreur la plus
désuète.
S’étirant comme une vague tantrique, impalpable devenait sa
silhouette.
Le monde extérieur était miette.

Bertille faisait des signes circulaires avec son pouce dans le creux
de sa paume. Elle approchait son visage de sa bouche, pour sentir
une respiration le long de son cou. Reniflait ses cheveux, comme
un oreiller moelleux. Ce corps d’homme devenu un totem an-
cestral. Petit à petit, la chambre sans âme, sans humanité, sans
chaleur, se mutait en lieu de culte. Son culte. Alex était Jésus sur
sa croix, la barbe brune, le regard bas. Ses paupières figées immo-
biles cloisonnaient deux univers futiles. Qu’était-il de plus impor-
tant, à ce moment, tout de suite, maintenant ? Elle pouvait rester
sans élan, une éternité, un instant.
« Bonjour Bertille, c’est encore Jean-François Coppé, n’hésitez
pas à me rappeler, on a tant à partager, je vous laisse de nouveau
mon numéro au cas où. »

Sa vie lui avait échappé, des rails l’avait téléguidée. Elle était plus
heureuse ici, au milieu de ces odeurs écœurantes, que dans sa
maison à Saint-Barth qui se jetait dans les Caraïbes.
Un jour, elle irait avec ce jeune homme sur son île. Ils feraient
l’amour jour et nuit. Ensemble, ils mangeraient des fruits et elle
lirait du Marc Levy. Ses rêves étaient pourtant simples, bordel.
Bip bip bip bip bip.

Béatrice & Bertille

La pluie ne lui posait pas de problème, c’est plus le crachin qui
l’insupportait. Le truc qui mouille ta petite culotte sans faire
goutter tes cheveux. Cette chose qui t’enroule dans un nuage hu-
mide, te fouette le visage et rend tous tes poils mous ! Ce ciel
qui effleure les trottoirs et se jette directement dans le caniveau.

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