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outeillages. Elle, elle attendait le coup de sifflet de la direc-
trice, embrassait ses bambins sur le front et détournerait définiti-
vement le regard une fois les deux gamins dans la cour de récréa-
tion. Ensuite elle se glisserait dans sa Fiat 500 et rejoindrait son
bureau. Elle était assistante de direction au service communica-
tion du Conseil Général.

Tony et Béa avaient eu à peu près le même parcours estudiantin.
Un Bac S option maths. Une prépa HEC au bahut François 1er du
Havre. Une école de commerce quelconque du moment que leurs
parents pouvaient la payer. Un diplôme valant dans les 40 000 eu-
ros et hop, direction le fameux stage en entreprise !
Depuis ce jour, ils recevaient des fax qui leur étaient destinés, des
mails à leur attention, des pauses clopes où on les regardait. Ils se
sentaient grandir.
Tony débarqua dans une agence parisienne où on lui avait affublé
le titre de Junior, comme Rintintin ! C’était donc le clébard des
séniors. Tout n’était évidemment pas qu’une question d’âge. La
société a besoin de hiérarchie, de dominants, de dominés et Tony
était la continuité incarnée de toute cette merde !
Béatrice, elle, débarqua dans une banque où elle s’occupait des
actions de petits porteurs, puis tomba enceinte rapidement. Elle
reprit son taf à mi-temps pour enfin rentrer dans la fonction pu-
blique territoriale à la naissance de son second bébé. C’est ain-
si qu’elle travaillait partiellement dans cette tour hostile, sur les
quais depuis 10 ans. Avec quasi la même équipe depuis 10 ans.
Le même bureau depuis 10 ans. La même affiche Decaux face à
elle, depuis 10 ans !
Ses collègues étaient une belle bande de courageux. Tous étaient
arrivés au départ pour des convictions politiques qu’ils revendi-
quaient haut et fort, puis tous étaient restés lors du basculement
UMP. Au final, la droite et la gauche c’était un peu pareil. Donc
c’était tous des courageux mais avec très peu d’amour propre. BB
était de ceux-là, de ceux qui arrivent à se convaincre très facile-
ment du contraire de ce qu’ils pensent. Du moment que ça ne fait
pas de vague. Du moment que rien ne bouge. Faut dire qu’elle
avait des tickets restaurant…

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