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givre frigorifiait les feuilles résistantes mais sa fenêtre, don-
nant sur le trottoir passant, était entre-ouverte. Marge ferma les
yeux et se laissa guider par le cui-cui des oiseaux. Comme avec
Blanche-Neige, les moineaux lui chuchotaient souvent les meil-
leures inspirations. Avec le temps, elle n’écoutait plus que la na-
ture. Elle savait de toute façon que seule, elle aurait le dernier
mot.
C’est instinctivement que Marge attaqua tout en délicatesse du
Schubert. Partir aux extrêmes du clavier pour mieux se retrou-
ver en son centre c’est ce dont elle avait envie ce matin. « Ave
Maria » la remplit de frissons. Marge pouvait mourir en jouant
cet air, elle se savait heureuse. Son âme s’élevait et lui donnait
des réponses aux questions essentielles. Ses poignets la faisaient
souffrir le martyre, ses mains la punissaient mais elle accélérait la
cadence comme pour défendre sa liberté. Parfois, un son sortait
de sa gorge rocailleuse, comme si chanter devenait nécessaire.
Sa tête ondulait. Une cime en haut d’une colline. Sa nuque ser-
pentait, ses épaules tanguaient, sa vie défilait. « Ave Maria ». Ses
genoux se collaient et sautillaient au rythme du sustain. Les aigus
la rendaient liquide et la faisaient ruisseler comme une paroi de
douche. « Ave Maria ». Son final, très donneur de leçon, tellement
chrétien. Le petit solo pour clôturer la chose et la messe était dite.
Marge poussa un grand souffle.
On tapa au carreau, la vieille dame ouvrit les yeux en sursaut.
— Q uelle magnifique moment Madame, merci pour cet « Ave
Maria »
— V ous êtes qui ?
— U ne grande fan, vraiment une grande fan. Vous seriez intéres-
sée pour venir jouer lors d’une petite réception que j’organise
d’ici une quinzaine de jours. Vous savez c’est très bien payé.
J’ai aaaadooooorééééé. Cela serait tellement magique que mes
convives en profitent comme je viens d’en profiter… Dites
oui, votre prix sera le mien
— M ais, qui êtes-vous madame ?
— B ertille, Bertille De La Berthelière.
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nant sur le trottoir passant, était entre-ouverte. Marge ferma les
yeux et se laissa guider par le cui-cui des oiseaux. Comme avec
Blanche-Neige, les moineaux lui chuchotaient souvent les meil-
leures inspirations. Avec le temps, elle n’écoutait plus que la na-
ture. Elle savait de toute façon que seule, elle aurait le dernier
mot.
C’est instinctivement que Marge attaqua tout en délicatesse du
Schubert. Partir aux extrêmes du clavier pour mieux se retrou-
ver en son centre c’est ce dont elle avait envie ce matin. « Ave
Maria » la remplit de frissons. Marge pouvait mourir en jouant
cet air, elle se savait heureuse. Son âme s’élevait et lui donnait
des réponses aux questions essentielles. Ses poignets la faisaient
souffrir le martyre, ses mains la punissaient mais elle accélérait la
cadence comme pour défendre sa liberté. Parfois, un son sortait
de sa gorge rocailleuse, comme si chanter devenait nécessaire.
Sa tête ondulait. Une cime en haut d’une colline. Sa nuque ser-
pentait, ses épaules tanguaient, sa vie défilait. « Ave Maria ». Ses
genoux se collaient et sautillaient au rythme du sustain. Les aigus
la rendaient liquide et la faisaient ruisseler comme une paroi de
douche. « Ave Maria ». Son final, très donneur de leçon, tellement
chrétien. Le petit solo pour clôturer la chose et la messe était dite.
Marge poussa un grand souffle.
On tapa au carreau, la vieille dame ouvrit les yeux en sursaut.
— Q uelle magnifique moment Madame, merci pour cet « Ave
Maria »
— V ous êtes qui ?
— U ne grande fan, vraiment une grande fan. Vous seriez intéres-
sée pour venir jouer lors d’une petite réception que j’organise
d’ici une quinzaine de jours. Vous savez c’est très bien payé.
J’ai aaaadooooorééééé. Cela serait tellement magique que mes
convives en profitent comme je viens d’en profiter… Dites
oui, votre prix sera le mien
— M ais, qui êtes-vous madame ?
— B ertille, Bertille De La Berthelière.
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