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Ce n'est qu'à travers les yeux de l’héroïne et de sa famille que le
spectateur vivra des faits historiques.

C’est pourquoi, d’Histoire ne sera question qu’à travers un seul fait : la
persécution d’une famille juive à travers les thèmes de la rafle, la déportation et la
délation. Il n'y aura donc pas ici de reconstitution du débarquement en Normandie
(comme dans les Uns et les autres ou les Misérables) ou d'autres événements
marquants comme la bataille de Stalingrad (les Uns et les Autres). Seule la
séquence de la rafle (que nous analyserons plus tard) fait référence à l'Histoire. La
guerre n’est évoquée que par les dialogues. Ce qui compte dans Partir Revenir, c'est
avant tout la caméra elle-même qui guide le spectateur à travers la force des
images et de la musique.

De plus comme l’exprime Michel Chion5, « chez Lelouch, Il y a l’Histoire qui
est là (…) » il poursuit en expliquant que la « recherche polyphonique
(superposition des époques, des niveaux de réalité, la narration éclatée non linéaire)
recouvre ce thème unique. » En effet la petite histoire fictionnelle des personnages,
rejoint la grande Histoire par le biais de la vision du cinéaste.

Intéressons-nous maintenant aux séquences du pré-générique et
d'exposition des Misérables, pour observer cette évolution filmique de la
représentation de l'Histoire. Tout d’abord ce film commence par un fondu au noir,
tandis que nous entendons des bruits d'ambiances naturels hors champ : bruits
d'arbres et d'oiseaux accompagnés de la voix murmurante de Belmondo ; le titre du
film apparaît alors : les Misérables suivi de la mention librement inspiré de Victor
Hugo.

Le fondu au noir se termine et le film s'ouvre ainsi sur le visage meurtri
d’un personnage exprimant sa peine et un lourd fardeau à travers un jeu expressif
et physique portant sur l'intonation de la voix : « je te demande pardon mon Dieu,
je voulais pas être un salaud comme ça (…) ». Celui-ci (cadré en gros plan net
avec arrière plan flou) poursuit de manière déchirante en pleurant et hurlant
« reviens petit ramoneur, je te demande pardon ».

Ce générique s’ouvre donc par la souffrance d'un personnage dont on
ignore les origines, mais dont on devine qu'il s'agit du bagnard Jean Valjean.

5 Voir la critique parue dans Les Cahiers du cinéma n°373 11

Claude LELOUCH : une vision intimiste de L’Histoire
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