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dire, j’ai vécu la moitié de ma vie avec lui. Et quand je
dis vécu, je pèse mes mots. Nous avons tout partagé. Du
plus loin que je me souvienne, Nicolas était présent dans
ma vie. Son visage fait partie des premiers dont je me
rappelle. Je ne sais pas pour vous mais mes premiers
souvenirs sont apparus vers l’âge de quatre ans et il en
fait partie. De la maternelle à la terminale, nous avons
reçu la même éducation, fréquenté les mêmes endroits,
rencontré les mêmes personnes. J’avais parfois
l’impression d’avoir un jumeau. Lorsque je ne
comprenais pas une leçon à l’école, Nico me la
réexpliquait le soir avec ses mots. Des mots simples mais
précis, qui avaient une résonnance particulière chez moi.
Il arrivait à imprimer dans ma caboche tout ce que je
n’avais pas compris dans la journée à cause de ma tête
de pioche. En primaire, il a réussi à me faire lire mon
premier livre. Je vous promets que ce n’était pas facile.
Il avait passé un temps fou à me faire le pitch pour me
convaincre que l’histoire était formidable et que je ne
pouvais pas passer à côté. Il disait que la littérature était
l’une des plus belles machines à rêves. Meilleure que le
cinéma. Il trouvait fantastique le fait que de simples
lettres noires alignées sur une feuille blanche puissent
sortir un lecteur de la monotonie de son quotidien à
l’image d’un clavier de piano qui arrive à nous bousculer
d’émotion dès lors qu’un virtuose glisse ses mains
dessus. Ma mère buvait ses paroles.
Ginette acquiesça au premier rang en hochant la tête.
— Le bouquin qu’il m’avait choisi s’appelait « Le Grand
Meaulnes ». Une des rares choses que je ne lui ai jamais
dites, c’est que je m’étais identifié à ce garçon qui
arrivait par hasard dans un domaine fantastique au cours
d’une fête incroyable. Il avait réussi son pari de me faire
lire avant la fin de l’année scolaire. Je vous avoue qu’il
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dis vécu, je pèse mes mots. Nous avons tout partagé. Du
plus loin que je me souvienne, Nicolas était présent dans
ma vie. Son visage fait partie des premiers dont je me
rappelle. Je ne sais pas pour vous mais mes premiers
souvenirs sont apparus vers l’âge de quatre ans et il en
fait partie. De la maternelle à la terminale, nous avons
reçu la même éducation, fréquenté les mêmes endroits,
rencontré les mêmes personnes. J’avais parfois
l’impression d’avoir un jumeau. Lorsque je ne
comprenais pas une leçon à l’école, Nico me la
réexpliquait le soir avec ses mots. Des mots simples mais
précis, qui avaient une résonnance particulière chez moi.
Il arrivait à imprimer dans ma caboche tout ce que je
n’avais pas compris dans la journée à cause de ma tête
de pioche. En primaire, il a réussi à me faire lire mon
premier livre. Je vous promets que ce n’était pas facile.
Il avait passé un temps fou à me faire le pitch pour me
convaincre que l’histoire était formidable et que je ne
pouvais pas passer à côté. Il disait que la littérature était
l’une des plus belles machines à rêves. Meilleure que le
cinéma. Il trouvait fantastique le fait que de simples
lettres noires alignées sur une feuille blanche puissent
sortir un lecteur de la monotonie de son quotidien à
l’image d’un clavier de piano qui arrive à nous bousculer
d’émotion dès lors qu’un virtuose glisse ses mains
dessus. Ma mère buvait ses paroles.
Ginette acquiesça au premier rang en hochant la tête.
— Le bouquin qu’il m’avait choisi s’appelait « Le Grand
Meaulnes ». Une des rares choses que je ne lui ai jamais
dites, c’est que je m’étais identifié à ce garçon qui
arrivait par hasard dans un domaine fantastique au cours
d’une fête incroyable. Il avait réussi son pari de me faire
lire avant la fin de l’année scolaire. Je vous avoue qu’il
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