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s jamais le fait d’en avoir lui avait procuré de la sérénité. Le
temps passant, Marge savait qu’elle aimait flirter plus ou moins
avec le danger. Dans cette énorme maison arborée du 5e arrondis-
sement, elle se sentait protégée.
Piscine en pierre de bourgogne, espace de danse voutée, escaliers
en fer forgé, papier-peint palmiers, sculpture en bronze de félins,
de chimpanzés. Un énorme salon pour cocooner. Les deux jeunes
femmes n’étaient pas en couple, enfin pas dans le sens classique
du terme. Elles avaient des aventures, des histoires, des échappées
belles. Une tendresse infinie les enveloppait, mais jamais un bai-
ser, jamais un geste déplacé. Ce qu’elles construisaient ensemble
était en cristal : attention fragile, à manipuler avec précaution.
Toutes les deux le savaient. Ce qui les décrivait au mieux était en
fait un immense respect. L’une et l’autre se connaissaient et se
laissaient vivre. Ensemble, elles étaient heureuses, alors pourquoi
se passer de ce plaisir infini ?
Un matin du printemps 1950, la clochette de l’entrée raisonna.
Marge sauta dans un peignoir et traversa la cour intérieure, pour
aller zieuter qui c’était. Un miroir. Elle vit un miroir. C’était elle,
4 ans auparavant. La même. Une gamine brune, sauvage, perdue,
frêle, le visage lisse d’un fruit, les iris rapides comme des colibris.
Une valise en cuir abimé, un foulard pour ne pas s’exposer. Jinane
avait l’air fatiguée. Une fois dans le canapé, la jeune fille expliqua
son périple, ce qui l’avait amenée à Paris. Elle commença à narrer
son aventure, buvant un thé et croquant des croquinettes.
Jusque dans son village de Zagora on parlait de la famille Ben-
saïd qui était devenue si riche. Des millions étaient tombés sur
eux grâce à leur fille Yasmina qui avait fait fortune en Europe.
Yasmina la téméraire, Yasmina la brave, Yasmina La Femme par
excellence. Celle qui partit conquérir le monde et en fit profiter
tous les siens. Yasmina La Sainte. Étrange histoire pour Marge
qui avait montré ses fesses tous les soirs pour se payer à manger.
Une Sainte, carrément. Elle qui avait parfois dû sucer des vieux
gorets, se faire caresser par des curés et embrasser contre son gré.
Hélène se dit que le téléphone arabe n’était pas une légende. Les
récits se transformaient à force d’être racontés. Toutes se mirent
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temps passant, Marge savait qu’elle aimait flirter plus ou moins
avec le danger. Dans cette énorme maison arborée du 5e arrondis-
sement, elle se sentait protégée.
Piscine en pierre de bourgogne, espace de danse voutée, escaliers
en fer forgé, papier-peint palmiers, sculpture en bronze de félins,
de chimpanzés. Un énorme salon pour cocooner. Les deux jeunes
femmes n’étaient pas en couple, enfin pas dans le sens classique
du terme. Elles avaient des aventures, des histoires, des échappées
belles. Une tendresse infinie les enveloppait, mais jamais un bai-
ser, jamais un geste déplacé. Ce qu’elles construisaient ensemble
était en cristal : attention fragile, à manipuler avec précaution.
Toutes les deux le savaient. Ce qui les décrivait au mieux était en
fait un immense respect. L’une et l’autre se connaissaient et se
laissaient vivre. Ensemble, elles étaient heureuses, alors pourquoi
se passer de ce plaisir infini ?
Un matin du printemps 1950, la clochette de l’entrée raisonna.
Marge sauta dans un peignoir et traversa la cour intérieure, pour
aller zieuter qui c’était. Un miroir. Elle vit un miroir. C’était elle,
4 ans auparavant. La même. Une gamine brune, sauvage, perdue,
frêle, le visage lisse d’un fruit, les iris rapides comme des colibris.
Une valise en cuir abimé, un foulard pour ne pas s’exposer. Jinane
avait l’air fatiguée. Une fois dans le canapé, la jeune fille expliqua
son périple, ce qui l’avait amenée à Paris. Elle commença à narrer
son aventure, buvant un thé et croquant des croquinettes.
Jusque dans son village de Zagora on parlait de la famille Ben-
saïd qui était devenue si riche. Des millions étaient tombés sur
eux grâce à leur fille Yasmina qui avait fait fortune en Europe.
Yasmina la téméraire, Yasmina la brave, Yasmina La Femme par
excellence. Celle qui partit conquérir le monde et en fit profiter
tous les siens. Yasmina La Sainte. Étrange histoire pour Marge
qui avait montré ses fesses tous les soirs pour se payer à manger.
Une Sainte, carrément. Elle qui avait parfois dû sucer des vieux
gorets, se faire caresser par des curés et embrasser contre son gré.
Hélène se dit que le téléphone arabe n’était pas une légende. Les
récits se transformaient à force d’être racontés. Toutes se mirent
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