Page 119 - I008786_BAT
P. 119
oléonienne dans laquelle Marge faisait couler son nectar était
le seul objet qu’elle avait emporté de New York. La seule chose
matérielle qui la rattachait à son amour fauché 8 ans auparavant.
Si son toit brûlait, elle n’avait que cela à sauver. De cet écrin
s’échappait un drame. Dans ce fourreau se cachait son âme.

Bertille, Béatrice, Marge

Quelles drôles de dames. Bertille se ressaisissait lentement et
proposa à Béatrice et Marge de sortir de cette ancienne bouche-
rie-charcuterie devenue son local de campagne. Pour être popu-
laire, il fallait utiliser les codes du peuple de France.
La duchesse éteignit les néons. Fixa son visage imprimé sur une
affiche. Se demanda sincèrement ce qu’elle était en train de faire.
Le doute. Un doute immense.
— J ’ai besoin de vous mesdames, je crois… dit Bertille sur un

ton d’une monotonie rare. Il faut que je parle, que je me vide.
Vous êtes un cadeau du seigneur, votre présence, là, ici, main-
tenant… Accordez-moi un peu de votre temps. Par pitié.

Les deux femmes acquiescèrent même si Béatrice ne voyait pas
le rapport avec Jésus-Christ et que Marge se sentait résolument
agnostique. Elle vénérait infiniment plus Jimi Hendrix que les
rois mages. Les 3 femmes ne voulaient pas s’enfermer dans une
maison, un restaurant ou un bistro. Elles cherchaient de l’intimité
sans s’isoler. Bertille leur dit.
— R endez-vous dans une heure. Envoyez votre adresse sur ce nu-

méro, c’est celui d’Édouard, mon chauffeur. On passera vous
prendre pour 14h. N’oubliez pas votre maillot de bain, sait-on
jamais…
Peau de lapin ! se dit Marge.
Que de mystère sur cette journée à venir.

Ce corps de 90 ans ne s’était pas faufilé dans un « une-pièce »
depuis une éternité. Marge trouvait l’idée absolument décalée,

119
   114   115   116   117   118   119   120   121   122   123   124