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sespérer, se mêler, se démêler, se commander puis se décom-
mander. Il avait eu des amours impossibles, des histoires très
flexibles, des plans culs prévisibles, ça le rendait susceptible.
Les sentiments, c’était son fond de commerce pour se faire aimer,
chose dont il était bien incapable en retour. Il fantasmait sa vie et
n’attendait des autres que des informations sur lui-même. À dé-
faut de se connaître, il savait s’adapter. Il ne faisait que s’adapter
depuis toujours. En se cherchant il s’était perdu… Faut dire que
les réseaux sociaux ne l’avaient pas aidé. Une vitrine nébuleuse.
Il posait et retirait des choses au gré de son état et ce marasme
construisait un personnage… Mais pour lui, qui était-il ? Un mec
assez médiocre qui avait le mérite de le savoir.
Il se trouvait trop fragile pour creuser cette certitude et très rapi-
dement il se replongeait dans ses rôles formatés comme si c’était
les bras de sa maman. Comme beaucoup de trentenaires, Alex se
sentait seul. Pas quand il était à l’Happy Hour à payer des tour-
nées de pintes et de Petit Chablis. Pas quand il avait 272 likes en
postant un selfie dos à l’horloge du musée d’Orsay. Pas quand
il faisait une virée entre potes en voilier au large de Honfleur.
Nan, il se sentait seul intrinsèquement. Il n’arrivait pas à avoir de
sentiment pour quiconque. Il aurait aimé pleurer en pensant à la
perte d’un proche ou à la maladie dévorante de son père, mais il
n’y arrivait pas, ça ne marchait pas. Tout ça le laissait de glace,
alors évidement, il se sentait seul. Il avait, à une époque, essayé
de compenser avec des achats compulsifs qu’il arrivait toujours
à justifier. Le dimanche soir il se faisait un plateau dans son lit. Il
essayait de se dire que le jeudi n’était pas si loin. Son entourage,
qui se levait tous les matins, avait fortement réduit les sorties en
semaine et donc, le dimanche soir, il pensait déjà au jeudi. Il se
disait qu’il avait 4 jours à tuer, 4 jours à combler, 4 jours à faire
croire que le jeudi n’était pas si loin. Le lundi était toujours très
dur. Il traînait dans son 130m2 en bas de survet’ et chaussettes de
ski. Son sweat ramené de New York lui serrait de plus en plus le
bide. Il faisait bouillir de l’eau et la versait sur des Yum-Yum cre-
vette, canard, poulet, bœuf, il avait toutes les saveurs. Parfois il
s’en faisait deux à la suite quand vraiment son moral était au plus
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mander. Il avait eu des amours impossibles, des histoires très
flexibles, des plans culs prévisibles, ça le rendait susceptible.
Les sentiments, c’était son fond de commerce pour se faire aimer,
chose dont il était bien incapable en retour. Il fantasmait sa vie et
n’attendait des autres que des informations sur lui-même. À dé-
faut de se connaître, il savait s’adapter. Il ne faisait que s’adapter
depuis toujours. En se cherchant il s’était perdu… Faut dire que
les réseaux sociaux ne l’avaient pas aidé. Une vitrine nébuleuse.
Il posait et retirait des choses au gré de son état et ce marasme
construisait un personnage… Mais pour lui, qui était-il ? Un mec
assez médiocre qui avait le mérite de le savoir.
Il se trouvait trop fragile pour creuser cette certitude et très rapi-
dement il se replongeait dans ses rôles formatés comme si c’était
les bras de sa maman. Comme beaucoup de trentenaires, Alex se
sentait seul. Pas quand il était à l’Happy Hour à payer des tour-
nées de pintes et de Petit Chablis. Pas quand il avait 272 likes en
postant un selfie dos à l’horloge du musée d’Orsay. Pas quand
il faisait une virée entre potes en voilier au large de Honfleur.
Nan, il se sentait seul intrinsèquement. Il n’arrivait pas à avoir de
sentiment pour quiconque. Il aurait aimé pleurer en pensant à la
perte d’un proche ou à la maladie dévorante de son père, mais il
n’y arrivait pas, ça ne marchait pas. Tout ça le laissait de glace,
alors évidement, il se sentait seul. Il avait, à une époque, essayé
de compenser avec des achats compulsifs qu’il arrivait toujours
à justifier. Le dimanche soir il se faisait un plateau dans son lit. Il
essayait de se dire que le jeudi n’était pas si loin. Son entourage,
qui se levait tous les matins, avait fortement réduit les sorties en
semaine et donc, le dimanche soir, il pensait déjà au jeudi. Il se
disait qu’il avait 4 jours à tuer, 4 jours à combler, 4 jours à faire
croire que le jeudi n’était pas si loin. Le lundi était toujours très
dur. Il traînait dans son 130m2 en bas de survet’ et chaussettes de
ski. Son sweat ramené de New York lui serrait de plus en plus le
bide. Il faisait bouillir de l’eau et la versait sur des Yum-Yum cre-
vette, canard, poulet, bœuf, il avait toutes les saveurs. Parfois il
s’en faisait deux à la suite quand vraiment son moral était au plus
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