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transformerait en plaque tournante de la démocratie. Cases
à faire signer, files d’attentes désordonnées, bulletins en piles
rangées, isoloirs pisseux à la couleur passée. « Marie Tourres, a
voté ». « Sylvie Schulligen, a voté ».
« Nicolas Doray, a voté ». Le maire sortant multipliait les attaques
dans le journal local et demandait haut et fort, « Mais où est donc
passée ma concurrente directe, Madame De La Berthelière ? ».
À ce moment précis, la duchesse essayait pour la vingtième fois
de suite de faire 3 ricochets dans de l’eau stagnante. Tout le monde
avait ses propres problèmes à gérer.
Chaque soir, Émelyne et Béatrice faisaient deux heures de porte-
à-porte au contact de la population et expliquaient en quoi Bertille
allait tout changer dans cette commune qui s’enfonçait dans sa
médiocrité. Face à des vieux, elles rassuraient. Face à des jeunes,
elles s’insurgeaient. Face à des familles, elles jouaient la proximi-
té. Face à elles-mêmes, elles s’inquiétaient.
L’ex-assistante du responsable communication du conseil général
connaissait les rouages d’un tel scrutin. Elle savait aussi que son
nom se trouvait en deuxième position sur la liste. En dessous de
Bertille De La Berthelière était bien écrit en gras, juste après un
chiffre « 2 » et un tiret :
2 - Béatrice Del’Imaginn.
Il était convenu qu’en cas de victoire, elle deviendrait la première
adjointe de son amie. Depuis, ses plans avaient bien changé.
Personne ne savait que la veille au soir, Tony et elle venaient d’ac-
cepter une offre de 779 000 euros de la part d’un jeune couple afin
d’acheter leur maisonnée.
En 8 ans la valeur de leur casbah avait quasi doublé, comme pour
dire aux revenus moyens qu’ils n’étaient plus les bienvenus dans
le quartier. Au fond d’elle, Béatrice savait qu’elle ne pourrait rien
changer. Qu’une élection n’entrave en rien la fatalité.
Depuis le début, elle s’était laissée gentiment embarquer. La cam-
pagne l’avait sortie de sa dépression et comme un remerciement,
elle voulait la mener jusqu’au bout. Mais en parallèle, avec son
mari, ils organisaient leur fuite. Au lendemain des résultats, la
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à faire signer, files d’attentes désordonnées, bulletins en piles
rangées, isoloirs pisseux à la couleur passée. « Marie Tourres, a
voté ». « Sylvie Schulligen, a voté ».
« Nicolas Doray, a voté ». Le maire sortant multipliait les attaques
dans le journal local et demandait haut et fort, « Mais où est donc
passée ma concurrente directe, Madame De La Berthelière ? ».
À ce moment précis, la duchesse essayait pour la vingtième fois
de suite de faire 3 ricochets dans de l’eau stagnante. Tout le monde
avait ses propres problèmes à gérer.
Chaque soir, Émelyne et Béatrice faisaient deux heures de porte-
à-porte au contact de la population et expliquaient en quoi Bertille
allait tout changer dans cette commune qui s’enfonçait dans sa
médiocrité. Face à des vieux, elles rassuraient. Face à des jeunes,
elles s’insurgeaient. Face à des familles, elles jouaient la proximi-
té. Face à elles-mêmes, elles s’inquiétaient.
L’ex-assistante du responsable communication du conseil général
connaissait les rouages d’un tel scrutin. Elle savait aussi que son
nom se trouvait en deuxième position sur la liste. En dessous de
Bertille De La Berthelière était bien écrit en gras, juste après un
chiffre « 2 » et un tiret :
2 - Béatrice Del’Imaginn.
Il était convenu qu’en cas de victoire, elle deviendrait la première
adjointe de son amie. Depuis, ses plans avaient bien changé.
Personne ne savait que la veille au soir, Tony et elle venaient d’ac-
cepter une offre de 779 000 euros de la part d’un jeune couple afin
d’acheter leur maisonnée.
En 8 ans la valeur de leur casbah avait quasi doublé, comme pour
dire aux revenus moyens qu’ils n’étaient plus les bienvenus dans
le quartier. Au fond d’elle, Béatrice savait qu’elle ne pourrait rien
changer. Qu’une élection n’entrave en rien la fatalité.
Depuis le début, elle s’était laissée gentiment embarquer. La cam-
pagne l’avait sortie de sa dépression et comme un remerciement,
elle voulait la mener jusqu’au bout. Mais en parallèle, avec son
mari, ils organisaient leur fuite. Au lendemain des résultats, la
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