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puits de lumière éclairait un fauteuil Louis XVI d’un rayon
de lune. Deux meubles sur roulettes étaient écrasés de pinceaux,
huiles, pots, chiffons et bidons en tout genre. Un escabeau tacheté
de couleurs se cachait. Marge ne savait pas si c’était une œuvre
ou un outil. Tout s’entremêlait dans ce lieu unique. Lee alluma
quelques bougies et roula un joint d’herbe. Le ciel étoilé se mêlait
parfaitement aux œuvres de Krasner. Elles s’allongèrent toutes
les deux à même le sol et se laissèrent envahir par l’envie de
s’embrasser.

Bertille

Bertille pensait que Donald Trump était un grand naïf doublé
d’une marionnette. Qu’il était bête mais pas méchant, misogyne
mais pas plus que n’importe quel homme de 70 ans. Sûrement
homophobe, mais n’était-il pas dans le vrai ? Elle ne niait pas que
le racisme était un trait de la personnalité du président américain,
certes, mais elle doutait que ce détail ne le guide à tout-va. Elle
trouvait des circonstances atténuantes aux personnes d’extrême
droite. Bertille ne s’associait pas vraiment à cette mouvance poli-
tique, mais en comprenait la totalité des arguments. En fait, sans
qu’elle n’ose le dire, ni même se l’avouer, elle considérait les
électeurs du Front National comme idiots et vulgaires. C’était un
frein pour elle que de se mettre dans le même paquet que ces
pouilleux débiles et incultes. Donc elle se définissait comme sans
étiquette politique pour ne pas à avoir à se coltiner toute la misère
du monde. À ses yeux le FN était l’Arche de Noé des bas-fonds
de la pensée intellectuelle.

Malgré tout elle détestait l’Europe, qui avait fait tant de mal à
l’identité de la France. Pensait que les familles d’immigrés
n’étaient en général pas des réfugiés politiques qui sauvaient leur
vie, mais bien des Africains qui venaient profiter de notre système
social. Bertille estimait que le fait d’être homo était un phéno-
mène de mode, comme être grunge, ou résistant. Elle confondait

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