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eur vrombissant et disparurent dans les ruelles à sens unique
avant que la moindre force de l’ordre ne débarque.

« Apocalypse » de Cigarettes After Sex rebondissait mélodieuse-
ment dans sa tête, l’éblouissant plus qu’une lumière aveuglante.
Même les sirènes d’ambulances et les pimpompins des pompiers
ne prenaient pas le dessus sur ces réverb’ de guitares stratosphé-
riques. La voix du chanteur était celle de Saint-Pierre. « Kisses on
the foreheads of the lovers, Wrapped in your arms, You’ve been
hiding them in, Hollowed out pianos left in the dark ».
Alors qu’il se faisait brancarder en urgence, Alex lévitait et se dé-
plaçait en tapis volant. Mourir était loin d’être un moment désa-
gréable à vivre. Comme tout le monde, il s’était demandé comment
sa fin arriverait. Il était curieux, sans être impatient. Et c’était main-
tenant, comme ça, descendu par une balle perdue. Les yeux dans
les yeux de la femme qu’il aimait. « Pourquoi pas, je prends » se
dit-il avant de perdre connaissance.

Un carnage, même si physiquement, il n’y eut qu’une seule victime.
Le traumatisme psychologique est souvent plus long et douloureux
à soigner que les chairs. La centaine d’invités se sentait survivante.
Des pleurs, beaucoup de pleurs. Des accolades, des embrassades,
des retrouvailles. Personne ne devait partir pour les besoins de
l’enquête. Il fallait que tous témoignent et laissent au moins leur
identité. Puis, dans la nuit un défilé de voitures allemandes passa
chercher ces rescapés de l’enfer pour les ramener enfin chez eux.
Une fois dans leur lit, personne ne se sentit totalement en sécurité.

Marge - 1948 - NYC

En ce printemps 1948, les cerisiers du Japon prenaient toute la
place. Les ponts rococo se faisaient engloutir par une verdure
luxuriante. Le fer forgé qui balisait l’énorme plan d’eau ap-
pelé La Réserve, se dressait comme une cage aux fauves. Les
lampadaires étaient aussi joyeux que des bougies sur un gâteau

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