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viens-toi des Choses de la vie
Dans la scène suivante, nous voyons Hélène impatiente de
changer de trimestre dans son agenda29 et répéter à Pierre avec
alacrité qu’ils seront partis à Tunis au prochain trimestre. Cette
impatience d’Hélène, qui aime « que le temps passe », sans savoir
qu’il la rapproche de la mort de celui qu’elle aime, apparaît d’au-
tant plus tragique au spectateur en raison de la construction du
film en flash-back. Cette impatience révèle aussi le caractère
absurde de toute attente puisque, ici, la vie est attente, et attente
d’attentes, et ce jusqu’à la mort qui peut survenir à tout moment.
Dans sa fougue et sa jeunesse, Hélène se situe aux antipodes de
la sagesse stoïcienne d’un Sénèque qui recommandait de vivre
chaque jour avec la pensée qu’il pourrait être le dernier :
Le but tant de mes jours que de mes nuits, mon ouvrage, ma
pensée, c’est de mettre fin aux erreurs anciennes. Je tâche qu’une
de mes journées équivaille à une vie entière ; et je ne dis pas,
en vérité : c’est la dernière, pour me hâter d’en jouir ; mais je
l’envisage comme si elle pouvait bien être la dernière. Je t’écris
aujourd’hui dans l’état d’esprit d’un homme que va peut-être
assigner la mort au moment même où il écrit. Je suis prêt à partir,
mais je continuerai à jouir de la vie, parce que je ne m’inquiète
pas trop du temps que durera cette jouissance. Avant de vieillir,
je me suis préoccupé de bien vivre ; vieux, je songe à bien mourir ;
et bien mourir, c’est mourir de bonne grâce30.
29. Nous avons appris, dans la séquence précédente, que ce départ est prévu en
juillet. Ce détail laisse entendre que l’action se déroule un 1er avril.
30. Sénèque, Lettres à Lucilius, 61, 1-2, traduction de Henri Noblot revue par
Paul Veyne, in Entretiens. Lettres à Lucilius, édition établie – avant-propos, pré-
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Dans la scène suivante, nous voyons Hélène impatiente de
changer de trimestre dans son agenda29 et répéter à Pierre avec
alacrité qu’ils seront partis à Tunis au prochain trimestre. Cette
impatience d’Hélène, qui aime « que le temps passe », sans savoir
qu’il la rapproche de la mort de celui qu’elle aime, apparaît d’au-
tant plus tragique au spectateur en raison de la construction du
film en flash-back. Cette impatience révèle aussi le caractère
absurde de toute attente puisque, ici, la vie est attente, et attente
d’attentes, et ce jusqu’à la mort qui peut survenir à tout moment.
Dans sa fougue et sa jeunesse, Hélène se situe aux antipodes de
la sagesse stoïcienne d’un Sénèque qui recommandait de vivre
chaque jour avec la pensée qu’il pourrait être le dernier :
Le but tant de mes jours que de mes nuits, mon ouvrage, ma
pensée, c’est de mettre fin aux erreurs anciennes. Je tâche qu’une
de mes journées équivaille à une vie entière ; et je ne dis pas,
en vérité : c’est la dernière, pour me hâter d’en jouir ; mais je
l’envisage comme si elle pouvait bien être la dernière. Je t’écris
aujourd’hui dans l’état d’esprit d’un homme que va peut-être
assigner la mort au moment même où il écrit. Je suis prêt à partir,
mais je continuerai à jouir de la vie, parce que je ne m’inquiète
pas trop du temps que durera cette jouissance. Avant de vieillir,
je me suis préoccupé de bien vivre ; vieux, je songe à bien mourir ;
et bien mourir, c’est mourir de bonne grâce30.
29. Nous avons appris, dans la séquence précédente, que ce départ est prévu en
juillet. Ce détail laisse entendre que l’action se déroule un 1er avril.
30. Sénèque, Lettres à Lucilius, 61, 1-2, traduction de Henri Noblot revue par
Paul Veyne, in Entretiens. Lettres à Lucilius, édition établie – avant-propos, pré-
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