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t la remarque qu’il fume trop. Par une ironie du sort, ce n’est
pas du cancer du fumeur qu’il mourra, mais bientôt dans un ac-
cident de voiture, comme le suggère un travelling arrière verti-
gineux (dans le sens exactement contraire du générique inversé)
précipitant Pierre vers son destin50. L’insistance, omniprésente
dans le film, sur le tabagisme des personnages témoigne ici de
leur mal-être, de leur angoisse, de leur mal d’exister. Pierre est
à un carrefour (c’est le cas de le dire) de son existence, hésitant
entre deux femmes, deux vies. L’accident ne serait-il pas pour lui
(inconsciemment) une issue à ses problèmes ? Il vient de refaire
sa vie avec Hélène qui est plus jeune que lui, belle, amoureuse,
impatiente d’arracher de son agenda les pages qui les séparent
de leur départ pour Tunis destiné – en partie sans doute – à
l’éloigner de sa famille et de « son » île : « Je ne veux pas d’une
île qui a déjà servi ! », dit-elle à Pierre, qui lui propose de venir
avec lui à l’île de Ré. Cette paronomase implicite (« île » pour
« huile » !) prête à sourire : Hélène ne maîtrisant pas parfaite-
ment le français, il n’est pas certain qu’elle soit volontaire. On
reconnaît là la patte de Jean-Loup Dabadie, qui nous renseigne
en même temps sur le caractère d’Hélène. Celle-ci est exclusive,
lien par Michel Sager, Paris, Robert Laffont, « Pavillons », 1973, p. 199. Ce
recueil rassemble vingt-cinq nouvelles fantastiques, dont Les vieux clandestins
où d’étranges lunettes permettent de voir ceux qui vont bientôt mourir.
50. « Pierre est au volant […]. Nous – précise Claude Sautet –, nous le pré-
cédons sur la voiture-travelling, puis nous accélérons en prenant toujours plus
d’avance. On tourne à 24 images, puis à 18, 15, 12, ce qui accentue l’éloignement
en même temps que le zoom. C’est une combinaison très délicate qui va donner
une impression assez vertigineuse. La scène se termine par un panoramique filé
sur le feuillage des arbres, ciel bleu, silence, carrefour paisible. C’est là que tout
va arriver, comme dans un western. » (Michel Boujut, op. cit., p. 95-96.)
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pas du cancer du fumeur qu’il mourra, mais bientôt dans un ac-
cident de voiture, comme le suggère un travelling arrière verti-
gineux (dans le sens exactement contraire du générique inversé)
précipitant Pierre vers son destin50. L’insistance, omniprésente
dans le film, sur le tabagisme des personnages témoigne ici de
leur mal-être, de leur angoisse, de leur mal d’exister. Pierre est
à un carrefour (c’est le cas de le dire) de son existence, hésitant
entre deux femmes, deux vies. L’accident ne serait-il pas pour lui
(inconsciemment) une issue à ses problèmes ? Il vient de refaire
sa vie avec Hélène qui est plus jeune que lui, belle, amoureuse,
impatiente d’arracher de son agenda les pages qui les séparent
de leur départ pour Tunis destiné – en partie sans doute – à
l’éloigner de sa famille et de « son » île : « Je ne veux pas d’une
île qui a déjà servi ! », dit-elle à Pierre, qui lui propose de venir
avec lui à l’île de Ré. Cette paronomase implicite (« île » pour
« huile » !) prête à sourire : Hélène ne maîtrisant pas parfaite-
ment le français, il n’est pas certain qu’elle soit volontaire. On
reconnaît là la patte de Jean-Loup Dabadie, qui nous renseigne
en même temps sur le caractère d’Hélène. Celle-ci est exclusive,
lien par Michel Sager, Paris, Robert Laffont, « Pavillons », 1973, p. 199. Ce
recueil rassemble vingt-cinq nouvelles fantastiques, dont Les vieux clandestins
où d’étranges lunettes permettent de voir ceux qui vont bientôt mourir.
50. « Pierre est au volant […]. Nous – précise Claude Sautet –, nous le pré-
cédons sur la voiture-travelling, puis nous accélérons en prenant toujours plus
d’avance. On tourne à 24 images, puis à 18, 15, 12, ce qui accentue l’éloignement
en même temps que le zoom. C’est une combinaison très délicate qui va donner
une impression assez vertigineuse. La scène se termine par un panoramique filé
sur le feuillage des arbres, ciel bleu, silence, carrefour paisible. C’est là que tout
va arriver, comme dans un western. » (Michel Boujut, op. cit., p. 95-96.)
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