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viens-toi des Choses de la vie
mais Pierre est encore trop attaché à son passé, déchiré entre sa
vie d’avant avec Catherine et Bertrand, et sa nouvelle vie avec
Hélène. Il est significatif, à cet égard, qu’il envisage successive-
ment de rompre avec Hélène et de l’épouser ; car il ne sait plus
où il en est : c’est la crise de la quarantaine. Il a tout pour être
heureux en apparence : il a un métier créatif, il gagne bien sa
vie ; mais, au fond de lui, il demeure insatisfait, inquiet. Non
seulement il est déchiré dans son travail (comme en témoigne
sa colère devant le promoteur, qui rappelle les colères du réali-
sateur51), mais plus encore « par ses difficultés à choisir entre ces
deux femmes (ou, plus précisément, de ne pas pouvoir vivre en
même temps avec celles qu’il aime : Hélène et Catherine)52 ».
Lorsque Guitte (Gabrielle Doulcet) lui demande s’il est heureux,
Pierre répond d’un ton fuyant et quelque peu dissonant : « Oui.
Et vous ? » L’intuition fondamentale de Claude Sautet est que
l’accident arrive à point nommé dans sa vie, qu’il préfère fuir dans
la mort que de choisir, qu’il est « content de mourir53 », parce
51. Michel Piccoli confiait, dans un entretien accordé à France Culture, dans
l’émission Le bon plaisir, en mai 1990, que, pour cette scène de colère, il avait imité
Claude Sautet, tant et si bien que, pendant la répétition de cette scène, l’ingénieur
du son et l’équipe du tournage des Choses de la vie, qui se trouvaient à l’étage in-
férieur de l’immeuble en construction, pensaient que c’était Claude Sautet qui se
mettait en colère ! « Les colères que je pique – explique le réalisateur –, ce n’est
pas contre un acteur. C’est contre moi ou quand chacun dans l’équipe se met à
parler de ses petites affaires. Ça déconcentre tout le monde, et ça me met dans des
états de rage. » (Ibid., p. 97.) De même, dans Vincent, François, Paul… et les autres,
Michel Piccoli imitera Claude Sautet dans la fameuse scène du gigot découpé par
François où celui-ci se met en colère contre son ami Vincent (Serge Reggiani).
52. Dominique Rabourdin, « Des éclairs de beauté », in Sautet par Sautet, op. cit.,
p. 92.
53. Ibid.
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mais Pierre est encore trop attaché à son passé, déchiré entre sa
vie d’avant avec Catherine et Bertrand, et sa nouvelle vie avec
Hélène. Il est significatif, à cet égard, qu’il envisage successive-
ment de rompre avec Hélène et de l’épouser ; car il ne sait plus
où il en est : c’est la crise de la quarantaine. Il a tout pour être
heureux en apparence : il a un métier créatif, il gagne bien sa
vie ; mais, au fond de lui, il demeure insatisfait, inquiet. Non
seulement il est déchiré dans son travail (comme en témoigne
sa colère devant le promoteur, qui rappelle les colères du réali-
sateur51), mais plus encore « par ses difficultés à choisir entre ces
deux femmes (ou, plus précisément, de ne pas pouvoir vivre en
même temps avec celles qu’il aime : Hélène et Catherine)52 ».
Lorsque Guitte (Gabrielle Doulcet) lui demande s’il est heureux,
Pierre répond d’un ton fuyant et quelque peu dissonant : « Oui.
Et vous ? » L’intuition fondamentale de Claude Sautet est que
l’accident arrive à point nommé dans sa vie, qu’il préfère fuir dans
la mort que de choisir, qu’il est « content de mourir53 », parce
51. Michel Piccoli confiait, dans un entretien accordé à France Culture, dans
l’émission Le bon plaisir, en mai 1990, que, pour cette scène de colère, il avait imité
Claude Sautet, tant et si bien que, pendant la répétition de cette scène, l’ingénieur
du son et l’équipe du tournage des Choses de la vie, qui se trouvaient à l’étage in-
férieur de l’immeuble en construction, pensaient que c’était Claude Sautet qui se
mettait en colère ! « Les colères que je pique – explique le réalisateur –, ce n’est
pas contre un acteur. C’est contre moi ou quand chacun dans l’équipe se met à
parler de ses petites affaires. Ça déconcentre tout le monde, et ça me met dans des
états de rage. » (Ibid., p. 97.) De même, dans Vincent, François, Paul… et les autres,
Michel Piccoli imitera Claude Sautet dans la fameuse scène du gigot découpé par
François où celui-ci se met en colère contre son ami Vincent (Serge Reggiani).
52. Dominique Rabourdin, « Des éclairs de beauté », in Sautet par Sautet, op. cit.,
p. 92.
53. Ibid.
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