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de s’endormir vainement et que son papa discutait tendrement
avec sa maman.
— Parle moins fort Jeannot, tu vas réveiller les gosses, chucho-
tait Odette en se resservant un canon.
— Ils doivent savoir dans quel monde on vit, nos gamins. Un
monde où on laisse crever les ouvriers honnêtes et courageux
pour aider des pays de l’Est sous-développés à venir bouffer
notre gamelle. L’Europe, c’est de la merde. J’ai rien à voir
avec un Yougoslave, j’ai encore mon honneur. Y z’auraient dû
rester en Russie, j’en veux pas chez moi. J’ai donné ma vie à
Renault, j’y suis arrivé en 1970, j’avais 15 piges. 30 ans à tour-
ner des boulons et on me dégage comme une putain de femme
de ménage. Fumier de Sarkozy. J’vais m’flinguer d’toute fa-
çon !
— D is pas d’connerie, rebois un petit coup ça ira mieux demain
mon Jeannot.
À la première opportunité, le rejeton changea son prénom et se fit
appeler Tibo.
De temps en temps, le week-end, il retournait voir ses vieux dans
leur HLM de Gonfreville-l’Orcher. La plupart des potes de son
entourage pensait qu’ils étaient morts. C’est ce qu’il disait à une
époque. « J’ai plus de parents, ils sont décédés dans un accident
de voiture ». Ce n’était pas totalement faux à ses yeux. Son grand
frère avait glissé petit à petit en essayant de sauver sa vie. Boris
voulait faire de l’argent à tout prix pour relever sa famille, mais
la cocaïne est un marché concurrentiel qui débouche générale-
ment vers le cimetière ou la prison. Il était incarcéré à Bonne
Nouvelle, Rouen Rive Gauche et c’est pour cela que Tibo était
arrivé dans cette ville. Pour pouvoir visiter son aîné. Il l’adorait.
Il savait qu’il avait tout essayé pour les sortir du cambouis, de la
galère, de la misère qui les grignotait. Mais Boris avait un cer-
veau de tourterelle, alors même avec les meilleures intentions,
et bien il faisait de la merde ! Deal, trafic, vol, braquage, zon-
zon. Il avait pris 20 ans pour avoir tiré sur un flic lors d’un casse
de supérette. Il prenait le temps d’apprendre à lire, sculptait son
corps pour impressionner les autres détenus. Boris voulait qu’on
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avec sa maman.
— Parle moins fort Jeannot, tu vas réveiller les gosses, chucho-
tait Odette en se resservant un canon.
— Ils doivent savoir dans quel monde on vit, nos gamins. Un
monde où on laisse crever les ouvriers honnêtes et courageux
pour aider des pays de l’Est sous-développés à venir bouffer
notre gamelle. L’Europe, c’est de la merde. J’ai rien à voir
avec un Yougoslave, j’ai encore mon honneur. Y z’auraient dû
rester en Russie, j’en veux pas chez moi. J’ai donné ma vie à
Renault, j’y suis arrivé en 1970, j’avais 15 piges. 30 ans à tour-
ner des boulons et on me dégage comme une putain de femme
de ménage. Fumier de Sarkozy. J’vais m’flinguer d’toute fa-
çon !
— D is pas d’connerie, rebois un petit coup ça ira mieux demain
mon Jeannot.
À la première opportunité, le rejeton changea son prénom et se fit
appeler Tibo.
De temps en temps, le week-end, il retournait voir ses vieux dans
leur HLM de Gonfreville-l’Orcher. La plupart des potes de son
entourage pensait qu’ils étaient morts. C’est ce qu’il disait à une
époque. « J’ai plus de parents, ils sont décédés dans un accident
de voiture ». Ce n’était pas totalement faux à ses yeux. Son grand
frère avait glissé petit à petit en essayant de sauver sa vie. Boris
voulait faire de l’argent à tout prix pour relever sa famille, mais
la cocaïne est un marché concurrentiel qui débouche générale-
ment vers le cimetière ou la prison. Il était incarcéré à Bonne
Nouvelle, Rouen Rive Gauche et c’est pour cela que Tibo était
arrivé dans cette ville. Pour pouvoir visiter son aîné. Il l’adorait.
Il savait qu’il avait tout essayé pour les sortir du cambouis, de la
galère, de la misère qui les grignotait. Mais Boris avait un cer-
veau de tourterelle, alors même avec les meilleures intentions,
et bien il faisait de la merde ! Deal, trafic, vol, braquage, zon-
zon. Il avait pris 20 ans pour avoir tiré sur un flic lors d’un casse
de supérette. Il prenait le temps d’apprendre à lire, sculptait son
corps pour impressionner les autres détenus. Boris voulait qu’on
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