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D e quoi me parles-tu, calme toi, reprends ton souffle, je ne
comprends rien…
— L e Lester, tu n’as pas fait ça?
— H aaaa tu n’aimes pas mon nouveau Bechstein, je l’ai racheté à
Duke Ellington, un vrai bijou, une merveille.
— E t le Lester… il est où le Lester ? Tu as fait quoi du Lester, Paul ?
Un long silence s’installa. Une éternité.
— E h bien je te l’ai gardé bien entendu. Je te le fais livrer chez
toi demain matin à la première heure. Ton prix sera le mien, ça
me fait plaisir. Ce piano est à toi Marge. Tu l’as toujours voulu
et bien tu l’as. Prends-en soin, il a rendu plus de gens heureux
que le Christ.
Marge s’assit, fixa son ami dans les yeux. Il lui fit un sourire
d’une générosité extrême. Elle essuya ses larmes et descendit son
shooter de vodka d’un trait. Se releva, enlaça Paul de ses bras ten-
taculaires et déposa un baiser bouillant et humide sur sa bouche
pincée d’une moustache grisonnante.
Marge avait un rapport physique avec cet instrument. Laisser traî-
ner le bout de son index sur la longueur de ses touches restait à
90 ans son plus grand plaisir orgasmique.
Marge - 1980
Le midi, pour réveiller ses filles, elle aimait se poser sur ce banc
d’étude et entamer la Gnossienne 1 de Satie. À ses yeux c’était
le printemps qui arrivait, plein de mystère et de force à la fois.
Elle ne se lassait jamais des 5 premières notes du thème principal,
de ses variations en cascades attendues, de sa main gauche libre,
désinvolte, aérienne. Elle aimait l’attaquer au tempo de son hu-
meur. Marge courait dans les champs de sa main droite. Freinait
sa fougue en levant le pied. Attrape-moi si tu peux, je suis un
papillon, éphémère et heureux. Je combattrai à jamais l’éternité
sordide. Le vent est mon compagnon, à qui je ne dois rien. La
pluie une amie venue du lointain. À chaque tonique une petite
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comprends rien…
— L e Lester, tu n’as pas fait ça?
— H aaaa tu n’aimes pas mon nouveau Bechstein, je l’ai racheté à
Duke Ellington, un vrai bijou, une merveille.
— E t le Lester… il est où le Lester ? Tu as fait quoi du Lester, Paul ?
Un long silence s’installa. Une éternité.
— E h bien je te l’ai gardé bien entendu. Je te le fais livrer chez
toi demain matin à la première heure. Ton prix sera le mien, ça
me fait plaisir. Ce piano est à toi Marge. Tu l’as toujours voulu
et bien tu l’as. Prends-en soin, il a rendu plus de gens heureux
que le Christ.
Marge s’assit, fixa son ami dans les yeux. Il lui fit un sourire
d’une générosité extrême. Elle essuya ses larmes et descendit son
shooter de vodka d’un trait. Se releva, enlaça Paul de ses bras ten-
taculaires et déposa un baiser bouillant et humide sur sa bouche
pincée d’une moustache grisonnante.
Marge avait un rapport physique avec cet instrument. Laisser traî-
ner le bout de son index sur la longueur de ses touches restait à
90 ans son plus grand plaisir orgasmique.
Marge - 1980
Le midi, pour réveiller ses filles, elle aimait se poser sur ce banc
d’étude et entamer la Gnossienne 1 de Satie. À ses yeux c’était
le printemps qui arrivait, plein de mystère et de force à la fois.
Elle ne se lassait jamais des 5 premières notes du thème principal,
de ses variations en cascades attendues, de sa main gauche libre,
désinvolte, aérienne. Elle aimait l’attaquer au tempo de son hu-
meur. Marge courait dans les champs de sa main droite. Freinait
sa fougue en levant le pied. Attrape-moi si tu peux, je suis un
papillon, éphémère et heureux. Je combattrai à jamais l’éternité
sordide. Le vent est mon compagnon, à qui je ne dois rien. La
pluie une amie venue du lointain. À chaque tonique une petite
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