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ui qui la redresse et la fait de nouveau se regarder. Avant de
rejoindre l’embarcadère, la duchesse se perdit une dernière fois
dans cette déclinaison d’ocre et d’azur, de sable et de cieux. Sur le
bateau, toutes les deux virent la Maison-Poisson s’éloigner, seule
au milieu de la plage du Gerzido. Bertille venait de vivre la pé-
riode la plus sereine de sa jeune existence de trentenaire.
Marge ne voulait pas la juger, cela faisait une éternité qu’elle
n’avait plus d’avis tranché sur les autres. Elle se contentait d’ob-
server, d’accompagner et d’aider si elle en ressentait la nécessité.
Mais la vieille femme comprenait tellement son monde et tout ce
qui l’inonde. Marge savait à n’en pas douter.
Après 15 minutes de traversée, Édouard les attendait de l’autre
côté, la Bentley garée au plus près. Le chauffeur ouvrit les por-
tières arrières, chargea les trolleys, valida le trajet et prit la route
vers les blés. Plus le temps passait, plus Bertille se contractait.
Marge lui caressait la main gauche en regardant par la fenêtre,
puis ferma ses yeux d’une lenteur géologique. Chacune savait
qu’elles se dirigeaient vers leur destin.
Le téléphone de la candidate vibrait. Depuis le départ, elle le
tenait serré dans sa paume droite au fond de sa poche. Chaque
tremblement était comme un électrochoc qui faisait accélérer les
battements de son cœur. Édouard fixait la ligne continue, Marge
visitait son monde inconnu.
Bertille positionna son IPhone face à son visage pour déverrouil-
ler l’accès, effleura l’icône WhatsApp et se jeta dans les mots
qu’elle avait reçus une heure auparavant mais qu’elle se gardait
au frais afin de les déguster seule.
« Alors, alors penses-tu distinguer le paradis de l’enfer ? ».
« Nous sommes juste deux âmes perdues nageant dans un aqua-
rium ». « As-tu échangé un rôle de figurant dans la guerre contre
un premier rôle dans une cage ? ». « Comme j’aurais aimé que tu
sois là ».
En posant délicatement son majeur dans le coin de son œil Ber-
tille évita qu’une larme ne s’enfuie. Elle tapa à une vitesse folle
« Je peux distinguer le ciel bleu de la douleur, faire la différence
entre un champ tout vert et un rail d’acier froid. J’arrive ». La
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rejoindre l’embarcadère, la duchesse se perdit une dernière fois
dans cette déclinaison d’ocre et d’azur, de sable et de cieux. Sur le
bateau, toutes les deux virent la Maison-Poisson s’éloigner, seule
au milieu de la plage du Gerzido. Bertille venait de vivre la pé-
riode la plus sereine de sa jeune existence de trentenaire.
Marge ne voulait pas la juger, cela faisait une éternité qu’elle
n’avait plus d’avis tranché sur les autres. Elle se contentait d’ob-
server, d’accompagner et d’aider si elle en ressentait la nécessité.
Mais la vieille femme comprenait tellement son monde et tout ce
qui l’inonde. Marge savait à n’en pas douter.
Après 15 minutes de traversée, Édouard les attendait de l’autre
côté, la Bentley garée au plus près. Le chauffeur ouvrit les por-
tières arrières, chargea les trolleys, valida le trajet et prit la route
vers les blés. Plus le temps passait, plus Bertille se contractait.
Marge lui caressait la main gauche en regardant par la fenêtre,
puis ferma ses yeux d’une lenteur géologique. Chacune savait
qu’elles se dirigeaient vers leur destin.
Le téléphone de la candidate vibrait. Depuis le départ, elle le
tenait serré dans sa paume droite au fond de sa poche. Chaque
tremblement était comme un électrochoc qui faisait accélérer les
battements de son cœur. Édouard fixait la ligne continue, Marge
visitait son monde inconnu.
Bertille positionna son IPhone face à son visage pour déverrouil-
ler l’accès, effleura l’icône WhatsApp et se jeta dans les mots
qu’elle avait reçus une heure auparavant mais qu’elle se gardait
au frais afin de les déguster seule.
« Alors, alors penses-tu distinguer le paradis de l’enfer ? ».
« Nous sommes juste deux âmes perdues nageant dans un aqua-
rium ». « As-tu échangé un rôle de figurant dans la guerre contre
un premier rôle dans une cage ? ». « Comme j’aurais aimé que tu
sois là ».
En posant délicatement son majeur dans le coin de son œil Ber-
tille évita qu’une larme ne s’enfuie. Elle tapa à une vitesse folle
« Je peux distinguer le ciel bleu de la douleur, faire la différence
entre un champ tout vert et un rail d’acier froid. J’arrive ». La
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