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Par ailleurs comme les Uns et les autres ou les Misérables, la Liste de
Schindler pose le problème de la mise en scène de la Shoah. En effet, en dépit de
certaines séquences du film très réaliste : le massacre dans le ghetto, les
séquences de conditions de vie dans les camps, l'exhumation et la brûlure des
cadavres ou encore la séquence de la visite médicale où les juifs sont persécutés
humiliées et déshumanisées ; Spielberg n’ose pas filmer l'horreur absolue des
chambres à gaz.

Ainsi la séquence des douches est assez discutable : il fait monter
l'oppression pour le spectateur en faisant croire que la mort pour les juifs est
imminente, mais à la dernière minute, la « solution finale » se transforme en
véritable douche. Spielberg propose une vision faussée de l’Holocauste : la peur se
transforme en espoir. Pour le réalisateur, c'est comme si le cinéma n'a pas le droit
de filmer un fait aussi gravissime.

Ainsi comme le note Shlomo Sand, « dans la Liste de Schindler, la Shoah est
décontextualisée ».32 Tout le film montre une relecture de l'Histoire dans une vision
manichéenne, apportant toutefois un message optimiste malgré la dureté des faits.
C’est pourquoi à la différence de Spielberg, Lelouch ose montrer l'Holocauste et la
solution finale, même si les plans sont très brefs... Enfin pour finir cette
comparaison, entre le film de Steven Spielberg et la vision de Claude Lelouch ;
notons que les deux metteurs en scène expriment un même savoir-faire technique
pour l’utilisation de la caméra, et pour le choix d’une musique extra diégétique
lyrique et dramatique.

Néanmoins il convient d'analyser maintenant de plus près, la vision de Claude
Lelouch à travers le dernier film de cette trilogie : Les Misérables. Si le film se
regarde comme un hommage au roman de Victor Hugo et une mise en abyme de
l’histoire du cinéma, Claude Lelouch apporte un regard personnel sur l’Histoire. Le
film est confronté à nouveau aux problèmes de L’indicible et de l'innommable, par
ces différentes séquences où des évènements réalistes, ayant traits à l’Histoire sont
représentés. Si ce film parle brièvement de la Première Guerre Mondiale avant de
parler de la persécution des juifs, à la différence des Uns et des autres,
l'Holocauste est seulement suggéré (seul le plan des fours crématoires fait référence
à ce fait dramatique).

32 Voir page 340 dans l'ouvrage le XXe siècle à l’écran- Shlomo Sand 81

Claude LELOUCH : une vision intimiste de l’Histoire.
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