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enfance, vos jeux à l’école, vos soirées à la belle étoile,

votre première cuite. Je pense que lorsque Pierre lui a dit
qu’il était gravement malade, tu es devenu le seul moteur

capable de le maintenir en vol. Il avait déjà réglé ses
problèmes avec moi, il ne lui restait plus qu’à gérer ceux
qu’il avait avec toi. Tu es devenu du jour au lendemain

son seul objectif pour avancer. Il ne pouvait pas partir
sans t’avoir dit la vérité. C’est de ça qu’il me parlait dans

ses derniers messages et dans le dos de ma mère bien

entendu.
— Et tu étais favorable à ce qu’il m’en parle ?
— Au début, j’ai douté et puis je l’ai soutenu. Sans savoir

qu’il allait mourir bien entendu. J’ai senti qu’il avait
besoin de le faire. C’est quelque chose que je pouvais
comprendre parce qu’un jour je me souviens lui avoir
dit : « papa, je sais que ça ne va pas te plaire, mais je dois
aller étudier en Angleterre. Il faut absolument que j’y aille
pour apprendre la langue. C’est ce que j’ai envie de faire. »
Je savais à ce moment-là qu’il n’avait aucune envie de se

séparer de sa fille chérie et pourtant il a compris que
c’était important pour moi et il m’a laissée partir. Le jour
où il m’a annoncé qu’il avait pris la décision d’aller te
voir, de la même manière, je savais que c’était important

pour lui et que je devais le laisser faire. Quelques jours
après, il m’a envoyé un sms qui disait : « coucou mon
ange, ça y est, c’est décidé, je pars demain matin. Je te
raconterai promis. Je t’embrasse très fort princesse. »

Ce jour-là, il venait de laisser pour la première fois une

patiente en plan au bloc opératoire. La maladie gagnait du

terrain. Pierre Meyer, son ami oncologue, venait de lui donner

les derniers résultats. Ils étaient mauvais et irréversibles. Le
temps lui était dorénavant compté. Il n’avait pas d’autre choix
que d’en parler à sa femme sauf que la soirée ne s’était pas
déroulée comme il l’avait imaginée.

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