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rofondément sensible à ce qu’il y a de vulnérable en l’homme,
mais aussi de dérisoire et de beau dans la vie, Claude Sautet a un
sens aigu de la finitude et de la signification intime des « choses
de la vie » sous leur apparente banalité, de ce « Je-ne-sais-quoi »
et de ce « Presque-rien77 » en regard de la mort. Il le rappelait
lui-même : « J’ai cherché la banalité la plus stricte, les situations
les plus ordinaires78. » De ce point de vue, le film n’est pas exempt
de certains clichés naturalistes, ce que n’ont pas manqué de lui
reprocher les Cahiers du cinéma79 ; mais ils sont assumés et trans-
figurés par « ce je-ne-sais-quoi d’invisible et d’impalpable, de
simple80 » dont Claude Sautet a l’art et le secret : « Dans toute
situation banale, poursuit-il, on doit arriver à agrandir l’instant, à
développer la sensibilité du moment, à faire apparaître la vulné-
rabilité des gens81. » Ces « choses » apparemment insignifiantes,
comme une petite table ovale cassée, un volet qui bat, le vent qui
souffle – ce que Perec appelle l’« infra-ordinaire82 » –, prennent
un relief singulier pour celui qui meurt. Une simple roue de
voiture qui finit sa course dans un champ devient l’image forte
de la roue de la vie qui s’arrête, une roue de secours qui n’est ici
Sautet au cimetière du Montparnasse : « Garder le calme !!! Devant la DIS-
SONANCE !!! »
77. Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Paris, Seuil,
1980.
78. Cinéma 70, no 146, mai 1970, p. 84.
79. Voir Pierre Baudry, « Les Choses de la vie », Cahiers du cinéma, no 220-221,
mai-juin 1970, p. 126.
80. Vladimir Jankélévitch, La Mort, Paris, Flammarion, 1977, p. 458.
81. Cinéma 70, no 146, mai 1970, p. 84.
82. Georges Perec, L’Infra-ordinaire, Paris, Seuil, 1989.
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mais aussi de dérisoire et de beau dans la vie, Claude Sautet a un
sens aigu de la finitude et de la signification intime des « choses
de la vie » sous leur apparente banalité, de ce « Je-ne-sais-quoi »
et de ce « Presque-rien77 » en regard de la mort. Il le rappelait
lui-même : « J’ai cherché la banalité la plus stricte, les situations
les plus ordinaires78. » De ce point de vue, le film n’est pas exempt
de certains clichés naturalistes, ce que n’ont pas manqué de lui
reprocher les Cahiers du cinéma79 ; mais ils sont assumés et trans-
figurés par « ce je-ne-sais-quoi d’invisible et d’impalpable, de
simple80 » dont Claude Sautet a l’art et le secret : « Dans toute
situation banale, poursuit-il, on doit arriver à agrandir l’instant, à
développer la sensibilité du moment, à faire apparaître la vulné-
rabilité des gens81. » Ces « choses » apparemment insignifiantes,
comme une petite table ovale cassée, un volet qui bat, le vent qui
souffle – ce que Perec appelle l’« infra-ordinaire82 » –, prennent
un relief singulier pour celui qui meurt. Une simple roue de
voiture qui finit sa course dans un champ devient l’image forte
de la roue de la vie qui s’arrête, une roue de secours qui n’est ici
Sautet au cimetière du Montparnasse : « Garder le calme !!! Devant la DIS-
SONANCE !!! »
77. Vladimir Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien, Paris, Seuil,
1980.
78. Cinéma 70, no 146, mai 1970, p. 84.
79. Voir Pierre Baudry, « Les Choses de la vie », Cahiers du cinéma, no 220-221,
mai-juin 1970, p. 126.
80. Vladimir Jankélévitch, La Mort, Paris, Flammarion, 1977, p. 458.
81. Cinéma 70, no 146, mai 1970, p. 84.
82. Georges Perec, L’Infra-ordinaire, Paris, Seuil, 1989.
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