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s le verrons un peu plus tard dans cette partie, les films de Lelouch comportent
des éléments autobiographiques. Partir Revenir, c'est en quelque sorte suggérer
l'horreur de cette persécution mais de manière essentiellement mentale.

Puisque le spectateur ressent souvent l'impact des séquences, il n'a pas le
temps de s'interroger sur la véracité des faits. Si l'on prend pour exemple
l'événement de la rafle, Lelouch tend à nous montrer une atmosphère, une
ambiance possible mais laisse place à l’affect du spectateur. Il cherche à être
réaliste tout en nous prouvant que nous sommes au cinéma via le travail du
cadrage, de l'image et de la musique. La musique est un élément incontournable
du film : comme dans Les Uns et les Autres, le film s'ouvre et se clôt par la
présence d'un orchestre musical. En quelque sorte, on peut voir Partir Revenir
comme une symphonie audiovisuelle sur la mémoire et le temps.

Enfin ce film c'est avant tout le regard d'une caméra en constante activité,
qui joue sur le matériau image et son avec pertinence ; même si le découpage est
complexe avec ses strates de récits qui se superposent (notamment par la présence
de Bernard Pivot et son émission Apostrophe au sein même de l’histoire du film). Le
style Lelouch : c'est savoir recréer des images, des sons et des plans, en
mélangeant différents niveaux de récits ; tout en insistant sur un montage alterné
pour nous faire vivre plusieurs destins qui se croisent pour finir par se retrouver.

Analysons maintenant cette perception sur l'Histoire, à travers le troisième
film de cette trilogie historique : les Misérables. Ce film peut en effet se regarder en
parallèle avec Partir Revenir ou les Uns et les Autres ; car il y a des liens
unificateurs avec les deux précédents films. Tout d'abord la vision de l'Histoire est à
nouveau perçue comme des événements récurrents, qui reviennent selon les
époques. Lelouch ne parle pas ici de réincarnation comme dans Partir Revenir mais
il explique aux spectateurs que l'Histoire se répète. Ainsi si on applique sa théorie
de l'Histoire comme mouvement récurrent, on voit bien à travers le personnage
d’Henri Fortin, les similitudes qui reviennent d’une époque à l’autre. Henri Fortin père
est envoyé à tort au bagne sur des apparences ; tout comme son fils qui sera mis
en prison également sur des apparences. Le destin individuel est soumis à des
similitudes un peu comme la théorie d'Émile Zola sur l'hérédité. Ici, Lelouch cite la
théorie du philosophe suédois Willa Cather (comme nous l'avons vu précédemment).

Claude LELOUCH : une vision intimiste de l’Histoire. 58
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