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Une fois de plus, La caméra est au plus prés de l'intimité des deux êtres
via le cadrage en plan rapproché et l'alternance de champ contre champ. Le thème
musical n'est plus le concerto de Rachmaninov mais une composition originale de
Michel Legrand, thématique qui sera reprise dans les Misérables. Le dialogue
exprime le remord du personnage « quand vous êtes partis, Salomé je suis morte
(…) Je vous ai pris la vie, je te donne la mienne ». La gravité de cette séquence se
clôt sur l'amour naissant entre Vincent (Richard Anconina) et Salomé parallèlement
au suicide évoqué d'Annie Girardot. Le réalisateur donne à cette séquence une note
optimiste : face aux aveux dramatiques, il nous prouve sa conception de la vie : le
bonheur est plus fort que tout...

Néanmoins, nous devons constater que la méthode de Lelouch porte ses
fruits dans la séquence de l'aveu : lorsque les Lerner sont arrêtés, l'actrice Annie
Girardot ne se doute pas encore que c'est elle qui est responsable de cette
arrestation : comme le dit lui-même le réalisateur dans son ouvrage Claude Lelouch
mode d'emploi : « à ce moment-là, Annie Girardot ne sait pas qu’elle a dénoncé
ses hôtes ( …) Je ne lui ai dit qu’au moment du retour d'Évelyne Bouix , à partir
de là , son jeu s’est mis à changer »17 . C’est pourquoi, si l'on compare le jeu
d'Annie Girardot dans la séquence de l'arrestation et dans la séquence de l'aveu, la
tonalité est différente : lors de l'arrestation Annie est bouleversée, alors que dans la
séquence de l'aveu son regard exprime son déchirement intérieur et la culpabilité
qui la ronge. Le film est marqué par cette prestation. Il convient de noter que tout
ce film repose sur la sobriété du jeu des acteurs (qu’on n'adhère ou non au
principe scénaristique de la réincarnation). La complicité entre les différents acteurs
demeure évidente.

De plus, la caractérisation des personnages est très travaillée pour
permettre l'identification du spectateur ; en effet, Lelouch crée des personnages
forts pour s'assurer de l'adhésion de celui-ci. Aussi Partir Revenir a une dimension
romanesque forte, comme le précise le sous titre de générique du film (cf.
première partie de ce mémoire, analyse du générique). Le style du metteur en
scène consiste ici à filmer une histoire fictionnelle efficace avec un nombre restreint
de personnages (deux familles uniquement). Partir Revenir n’est donc pas un film sur
l'Histoire, mais plutôt un regard personnel sur un sujet dramatique : la persécution
des juifs.

17 Voir page 216 – Claude Lelouch, mode d'emploi – Yves Allion et Jean Ollé –Laprune 57

Claude LELOUCH : une vision intimiste de l’Histoire.
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