Page 166 - I008786_BAT
P. 166
tant qu’indépendante, Rokia couvrait ce qui lui plaisait, puis
vendait son travail une fois effectué. C’est elle qui avait rencon-
tré Irène Frachon et écrit les premiers papiers sur le Mediator
de Servier. Très proche du mouvement des Femen, impliquée
dans la cause LGBTQ2S+, étincelle de l’affaire Adama Traoré,
la jeune journaliste n’était pas du genre à se laisser emmerder.
Pour elle, chaque fois c’était le même rituel. Elle commen-
çait par réserver quatre nuits d’hôtel. Des bouis bouis un peu
pourraves mais toujours au cœur des centres-villes. Sur son lit,
elle faisait des petits tas : 4 culottes, 4 chaussettes, 4 t-shirts,
1 pull. Rokia enfilait son jeans favori, celui qui n’a pas be-
soin de ceinture. Son sweet capuche fétiche avec sa poche
ventrale, puis s’enroulait le cou dans un foulard en soie. Té-
léphone, Macbook Air, Leica Q, Moleskine. Une panoplie un
poil stéréotypée qu’elle assumait totalement. C’est aussi ça qui
la faisait rêver. Brosse à dents, dentifrice bifluoré, déodorant
et crème de jour pour éviter les dessèchements. En 3 minutes
chronométrées, son sac à dos était OK. Un billet de train et
sans rendre de compte à personne, sans informer quiconque,
elle était à Rouen.
La jeune femme de 35 ans voulait en savoir plus sur ce micro
phénomène dont tout le monde parlait et qui l’avait rudement
intriguée. Bertille De La Berthelière, duchesse, candidate de
province et victime d’un attentat terroriste. Vous m’en direz
tant. Alléchant.
Son papa nettoyait la rue avec un balai. Sa maman dépoussié-
rait les bureaux une fois la nuit tombée. Aînée d’une fratrie
de 6 frères et soeurs, Rokia avait toujours su se débrouiller.
Quand les Uwimana avaient débarqué l’été 1992 à Marseille
c’était pour échapper au génocide rwandais. La petite fille avait
7 ans. Elle et sa famille étaient Tutsis, mais ils étaient surtout
des survivants. Depuis, pour ses parents, chaque jour se vivait
comme du bonus, une multiball, un chèque en blanc. Malgré
la situation, jamais son père n’avait laissé échapper un mot de
colère, jamais sa mère ne pestait contre le racisme ou sur son
bas salaire. Ils se sentaient, eux et leurs enfants, comme des
putain de revenants.
166
vendait son travail une fois effectué. C’est elle qui avait rencon-
tré Irène Frachon et écrit les premiers papiers sur le Mediator
de Servier. Très proche du mouvement des Femen, impliquée
dans la cause LGBTQ2S+, étincelle de l’affaire Adama Traoré,
la jeune journaliste n’était pas du genre à se laisser emmerder.
Pour elle, chaque fois c’était le même rituel. Elle commen-
çait par réserver quatre nuits d’hôtel. Des bouis bouis un peu
pourraves mais toujours au cœur des centres-villes. Sur son lit,
elle faisait des petits tas : 4 culottes, 4 chaussettes, 4 t-shirts,
1 pull. Rokia enfilait son jeans favori, celui qui n’a pas be-
soin de ceinture. Son sweet capuche fétiche avec sa poche
ventrale, puis s’enroulait le cou dans un foulard en soie. Té-
léphone, Macbook Air, Leica Q, Moleskine. Une panoplie un
poil stéréotypée qu’elle assumait totalement. C’est aussi ça qui
la faisait rêver. Brosse à dents, dentifrice bifluoré, déodorant
et crème de jour pour éviter les dessèchements. En 3 minutes
chronométrées, son sac à dos était OK. Un billet de train et
sans rendre de compte à personne, sans informer quiconque,
elle était à Rouen.
La jeune femme de 35 ans voulait en savoir plus sur ce micro
phénomène dont tout le monde parlait et qui l’avait rudement
intriguée. Bertille De La Berthelière, duchesse, candidate de
province et victime d’un attentat terroriste. Vous m’en direz
tant. Alléchant.
Son papa nettoyait la rue avec un balai. Sa maman dépoussié-
rait les bureaux une fois la nuit tombée. Aînée d’une fratrie
de 6 frères et soeurs, Rokia avait toujours su se débrouiller.
Quand les Uwimana avaient débarqué l’été 1992 à Marseille
c’était pour échapper au génocide rwandais. La petite fille avait
7 ans. Elle et sa famille étaient Tutsis, mais ils étaient surtout
des survivants. Depuis, pour ses parents, chaque jour se vivait
comme du bonus, une multiball, un chèque en blanc. Malgré
la situation, jamais son père n’avait laissé échapper un mot de
colère, jamais sa mère ne pestait contre le racisme ou sur son
bas salaire. Ils se sentaient, eux et leurs enfants, comme des
putain de revenants.
166