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l’assumer n’était pas d’actualité. Il fallait donc tenir son rang
en dehors de la maison et compter les repas le soir venu. Schizo-
phrénie, jour, nuit. Jean-Lo se rêvait en contraire de lui-même.
À l’adolescence, son attirance pour les garçons lui tomba dessus
comme une évidence. Un cours de sport, des corps en mouve-
ment, les douches embuées et cette envie de toucher. La vie était
faite pour le perturber.
Sa rencontre avec Bertille avait tout changé, avait tout lissé. Mais
lui savait depuis toujours à quel point il était cabossé. Au plus
profond de lui, il souhaitait que ce mariage le normalise. Pour
tout, il se forçait. Être père, être amant, être chef d’entreprise, être
duc. Jean-Laurent voulait juste être aimé de sa maman, chose qui
s’avérait impossible, sauf si une racine sèche pouvait avoir des
sentiments. Une cage dorée, des barreaux en lingot, interdiction
de la ramener. Sur le papier, il avait tout pour être heureux. Sous
le papier, il cachait les miettes de ses aïeux.
En franchissant le pas de porte de sa maison, Bertille sursauta.
Elle fut si étonnée de le voir là. Son mascara lui faisait des yeux
de panda. Son nez était rouge d’avoir été trop mouché. Sa bouche
dégoulinait. Ses joues étaient toutes perlées. Jean-Laurent ne bou-
gea pas.
Et dire qu’il voulait passer une belle journée avec son épouse. Et
dire qu’il voulait essayer de commencer à tout raccommoder. Mais
leur histoire était trop déchirée. Quelques heures auparavant, il
l’avait vue lire ce courrier, le sentir et être effondrée mot après mot.
Jean-Laurent savait intrinsèquement que sa femme lui échappait et
qu’il n’avait rien dans sa besace pour la faire rester. Sauf son nom,
sa réputation. Et puis chez ces gens-là on se désosse, on s’embosse,
on se rosse, tout est féroce, mais surtout pas de divorce.
— C omment vas-tu Bertille ?
— H a, mais je pensais que tu étais au travail mon chéri.
— N on, aujourd’hui j’avais plus envie de rester ici, avec toi. Tu
reviens de ton QG de campagne ?
— O ui j’ai fait une permanence ce matin, les élections approchent
tu sais.
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en dehors de la maison et compter les repas le soir venu. Schizo-
phrénie, jour, nuit. Jean-Lo se rêvait en contraire de lui-même.
À l’adolescence, son attirance pour les garçons lui tomba dessus
comme une évidence. Un cours de sport, des corps en mouve-
ment, les douches embuées et cette envie de toucher. La vie était
faite pour le perturber.
Sa rencontre avec Bertille avait tout changé, avait tout lissé. Mais
lui savait depuis toujours à quel point il était cabossé. Au plus
profond de lui, il souhaitait que ce mariage le normalise. Pour
tout, il se forçait. Être père, être amant, être chef d’entreprise, être
duc. Jean-Laurent voulait juste être aimé de sa maman, chose qui
s’avérait impossible, sauf si une racine sèche pouvait avoir des
sentiments. Une cage dorée, des barreaux en lingot, interdiction
de la ramener. Sur le papier, il avait tout pour être heureux. Sous
le papier, il cachait les miettes de ses aïeux.
En franchissant le pas de porte de sa maison, Bertille sursauta.
Elle fut si étonnée de le voir là. Son mascara lui faisait des yeux
de panda. Son nez était rouge d’avoir été trop mouché. Sa bouche
dégoulinait. Ses joues étaient toutes perlées. Jean-Laurent ne bou-
gea pas.
Et dire qu’il voulait passer une belle journée avec son épouse. Et
dire qu’il voulait essayer de commencer à tout raccommoder. Mais
leur histoire était trop déchirée. Quelques heures auparavant, il
l’avait vue lire ce courrier, le sentir et être effondrée mot après mot.
Jean-Laurent savait intrinsèquement que sa femme lui échappait et
qu’il n’avait rien dans sa besace pour la faire rester. Sauf son nom,
sa réputation. Et puis chez ces gens-là on se désosse, on s’embosse,
on se rosse, tout est féroce, mais surtout pas de divorce.
— C omment vas-tu Bertille ?
— H a, mais je pensais que tu étais au travail mon chéri.
— N on, aujourd’hui j’avais plus envie de rester ici, avec toi. Tu
reviens de ton QG de campagne ?
— O ui j’ai fait une permanence ce matin, les élections approchent
tu sais.
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