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seconde que tout ce qu’elle était en train de faire se saurait
vite et que des folles rumeurs se diffuseraient. « Le roi Midas a
des oreilles d’âne, le roi Midas a des oreilles d’âne ».
L’investigatrice savait très bien aussi que pour s’envoler, il ne
fallait pas avoir les ailes attachées.
Marge - 1988 - Rouen
En vendant le BoulMich’ Marge avait assuré sa sécurité pour
l’éternité. C’est exactement ce que Cary escomptait en la cou-
chant sur son testament. Qu’elle n’ait jamais de soucis d’argent
à gérer. La préserver de ce qui rend triste et irritant. En plein de-
dans ! Elle voulait se rapprocher de la mer, rester près de Paris,
aller au musée et dans les librairies.
Rouen, Marge était arrivée à Rouen. Préfecture de Seine-Mari-
time, ville d’Histoire pour s’endormir. Rien qu’à voir la gueule de
Lecanuet, elle se doutait qu’elle ne débarquait pas à Saint-Tropez.
C’est tout ce qu’elle recherchait. Un climat gris, un peu triste,
mais quand même vachement joli. Le jour de ses 58 ans, elle trou-
va un grand appartement en rez-de-chaussée, au-dessus de la gare.
Cela faisait 32 ans que cette femme admirable s’était retirée de la
société et ne faisait plus que regarder, méditer et pianoter. Marge
avait eu plus de vies que ses chats. Quand ses fenêtres étaient
ouvertes sur la rue, elle était aux premières loges du quartier
Saint-André. Quand elle aérait de l’autre coté, Yasmina voyait son
petit carré de jardin et un minuscule potager. Personne ne pouvait
imaginer le passé de cette dame-au-clavier. Le Maroc, la guerre,
les Folies Bergère, New York, Paris et l’influence qu’elle avait
eue sur la capitale culturelle du monde. Les peintres, les poètes,
sculpteurs de midinettes, comédiens, magiciens, chanteurs anal-
phabètes. Tous étaient venus dormir dans son hôtel particulier du
boulevard Saint-Michel. Tous connaissaient Marge, tous la res-
pectaient. Quand tu la croisais, tu t’en souvenais.
En un coup de fil, Pierre la soulageait, Jean-Paul belmondait, Bri-
gitte était à son chevet. La Mata Hari intramuros, plus célèbre que
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vite et que des folles rumeurs se diffuseraient. « Le roi Midas a
des oreilles d’âne, le roi Midas a des oreilles d’âne ».
L’investigatrice savait très bien aussi que pour s’envoler, il ne
fallait pas avoir les ailes attachées.
Marge - 1988 - Rouen
En vendant le BoulMich’ Marge avait assuré sa sécurité pour
l’éternité. C’est exactement ce que Cary escomptait en la cou-
chant sur son testament. Qu’elle n’ait jamais de soucis d’argent
à gérer. La préserver de ce qui rend triste et irritant. En plein de-
dans ! Elle voulait se rapprocher de la mer, rester près de Paris,
aller au musée et dans les librairies.
Rouen, Marge était arrivée à Rouen. Préfecture de Seine-Mari-
time, ville d’Histoire pour s’endormir. Rien qu’à voir la gueule de
Lecanuet, elle se doutait qu’elle ne débarquait pas à Saint-Tropez.
C’est tout ce qu’elle recherchait. Un climat gris, un peu triste,
mais quand même vachement joli. Le jour de ses 58 ans, elle trou-
va un grand appartement en rez-de-chaussée, au-dessus de la gare.
Cela faisait 32 ans que cette femme admirable s’était retirée de la
société et ne faisait plus que regarder, méditer et pianoter. Marge
avait eu plus de vies que ses chats. Quand ses fenêtres étaient
ouvertes sur la rue, elle était aux premières loges du quartier
Saint-André. Quand elle aérait de l’autre coté, Yasmina voyait son
petit carré de jardin et un minuscule potager. Personne ne pouvait
imaginer le passé de cette dame-au-clavier. Le Maroc, la guerre,
les Folies Bergère, New York, Paris et l’influence qu’elle avait
eue sur la capitale culturelle du monde. Les peintres, les poètes,
sculpteurs de midinettes, comédiens, magiciens, chanteurs anal-
phabètes. Tous étaient venus dormir dans son hôtel particulier du
boulevard Saint-Michel. Tous connaissaient Marge, tous la res-
pectaient. Quand tu la croisais, tu t’en souvenais.
En un coup de fil, Pierre la soulageait, Jean-Paul belmondait, Bri-
gitte était à son chevet. La Mata Hari intramuros, plus célèbre que
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