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retour de mon séjour chez lui, il me demande
si je connais des gens dans le cinéma pour voir ce
qu’il serait possible de faire avec mon synopsis. Il
s’avère que j’avais rencontré un homme formidable,
tonitruant, colérique, délicieux, rieur, qui s’appelait
Claude Sautet, et qui avait réalisé deux films en noir
et blanc : Classe tous risques et L’Arme à gauche, avec
Lino Ventura. Claude avait été dégoûté par les condi-
tions de production de ce dernier film : le producteur
lui avait coupé les vivres aux deux tiers du tournage.
Il n’avait donc pas fait le film qu’il voulait. Il avait
alors décidé d’abandonner la réalisation et gagnait
sa vie en étant script doctor (« docteur de scripts »),
comme disent les Américains, c’est-à-dire qu’il aidait
des metteurs en scène et des auteurs à replâtrer, à
retaper, à raturer, à recoudre des scénarios déjà écrits,
mais qui ne donnaient pas satisfaction aux produc-
teurs et aux interprètes vedettes qui étaient pressen-
tis. Je dis alors à Claude : « Toi qui connais tout le
monde, ou presque, dans le cinéma français, est-ce
que tu me rendrais le service de lire mes soixante-dix
pages et de me dire à qui je dois m’adresser ? » En
effet, une première fois, les producteurs, qui avaient
trois sous, mais qui voulaient faire ce film, avaient
essuyé le refus de deux metteurs en scène connus, qui
trouvaient le sujet inintéressant. De quoi décourager
le jeune homme passionné que j’étais et qui débutait
dans le métier ! Claude Sautet me dit : « J’habite 5,

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