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Dans la séquence suivante nous retrouvons le couple Meyer discutant de
leur avenir de musiciens, menacés par la guerre… en effet Simon Meyer est
juif. Dans cette séquence nous entendons Karl Kremer jouant du piano retransmis à
la radio. Une voix off radiophonique (celle de Francis Huster) interrompt le
programme pour nous dire que « ce concert joué par Karl Kremer vous est offert
par les troupes de l’occupation. »

La mise en scène effectue une transition par la séquence suivante : celle-ci
nous montre le personnage de Boris qui doit partir pour la guerre. Dans cette
séquence la caméra est à nouveau mobile, mais elle est néanmoins discrète : la
caméra nous montre le personnage filmé par une vue en plongée sur une cour
d'immeuble via une fenêtre ouverte. La caméra est témoin du départ de celui-ci
mais elle reste distante.

Une nouvelle séquence commence par une voix off radiophonique : « ici
Londres, les Français parlent aux Français ». Celle-ci nous montre alors une classe
d’école qui est visitée par les Allemands. Ceux-ci perquisitionnent les classes pour
rechercher les enfants juifs. Là encore la mise en scène est au plus près de
l’intimité des personnages, à l’aide d’alternance de plan d’ensemble et plan
rapproché. La caméra isole trois protagonistes : un enfant Jean-François Duvivier,
une maîtresse d’école et un officier allemand. Le jeune garçon est soupçonné
d’être juif. La mise en scène joue à nouveau sur l’émotion en insistant sur le visage
grave des personnages : celle-ci instaure (via un cadre serré et un éclairage assez
lumineux), une certaine tension psychologique (à l’aide de plan rapproché) entre
l’enfant et l’officier. Celui-ci demande à l’élève de réciter son notre père, il vérifie
également si il est circoncis. Le personnage de la maîtresse intervient pour lui
sauver la vie : « lui, c’est pas pareil, on l’a opéré tout petit car il faisait pipi de
travers ».

Cette séquence a un enjeu dramatique fort car elle commence à montrer
la persécution et l’humiliation dont furent victimes les juifs. Une séquence similaire
sera reprise dans Les Misérables lorsque le personnage de Salomé devra réciter son
Notre Père devant un officier allemand. Aussi cet évènement dramatique entre
l’officier et Jean-François Duvivier, va ouvrir la voie à d'autres séquences montrant
la persécution des juifs : c’est pourquoi peu après cette séquence, nous assistons à
l'arrestation d'une famille juive.

Claude LELOUCH : une vision intimiste de L’Histoire 18
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