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Ce principe d’interprétation de plusieurs générations via le même acteur,
est un moyen pour Claude Lelouch de réaffirmer sa vision de l'Histoire basée sur la
destinée cyclique. Par ailleurs garder le même acteur de père en fils permet au
spectateur, une meilleure identification là où la mise en scène repose beaucoup sur
un montage alterné et un récit fragmenté entre des époques différentes.

Si les Uns et les autres s'interrogeait sur l'Histoire à travers la seconde
guerre mondiale, la musique et la danse, tout en apportant une réflexion sur la
société contemporaine de l’époque, par une mise en scène au récit disloqué ; ayant
pour but de montrer plusieurs destins et pays simultanément, nous allons voir
maintenant que d'en Partir Revenir, la vision historique du réalisateur demeure plus
subjective. En effet comme nous l'avons vu précédemment, la vision de l'Histoire
passe avant tout par les yeux de deux familles (reposant toujours sur l'idée de
destins similaires qui s’unissent et se recoupent). Le principe de la mise en scène
pour Lelouch est le suivant : il ne s'agit pas d'illustrer l'Histoire mais plutôt de faire
vivre au spectateur une expérience audiovisuelle.

Pour expliquer sa démarche, celui-ci résume son propos dans la note
d’intention du synopsis : « si le spectateur (…) a véritablement entendu des images
et vu des sons, selon le voeu d’Eisenstein alors il aura partager ma passion pour le
concerto n°2 de Rachmaninov (…) La pierre angulaire, l’âme, la star invisible de ce
film. » En voyant ce film, le spectateur est plongé dans l'Histoire mais aussi dans
l'histoire personnelle des protagonistes. La vision de l'Histoire s'exprime ici par le
montage, l’image et le son. À la différence des Uns et des autres, l'Histoire n'est
pas illustrative ; mais plutôt captée de manière intensive par les yeux du metteur
en scène.

Il convient de nous expliquer : l'histoire intime se trouve confondue avec
l’Histoire. Ici, la voix off n’a plus une fonction narrative. Le spectateur n'a pas le
temps de prendre du recul et réfléchir sur l'Histoire comme c'était le cas dans les
Uns et les autres, mais il perçoit l'Histoire de manière directe. Le montage du film
très fragmenté permet au spectateur de se balader à travers différentes époques :
passé, présent, futur ; Mais celui-ci est construit de telle sorte à ce que le
spectateur ressente des émotions, plutôt que s’interroger sur le sens de l’Histoire.
Ce montage est construit par un habile alliage entre l’image, la bande-son, le
cadrage et les mouvements de caméra.

Claude LELOUCH : une vision intimiste de l’Histoire. 52
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