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c certitude mais qui était assurément de la même génération
que lui. Ils avaient dû aller à l’école ensemble. « Cherche bien ! »

se forçait-il à penser. Malgré un irrépressible vieillissement, elle
l’avait reconnu. Bravo à elle ! Cette femme, plutôt jolie, prenait
soin de sa personne. Il eut le temps de remarquer qu’elle était
légèrement maquillée, que ses mains étaient fines avec de jolis
ongles vernis et que tout comme lui, elle portait une alliance.

— Je suis désolé mais je ne vois pas. Répondit-il en évitant
de prendre son air goujat comme il savait si bien le faire
pour répondre aux visiteurs médicaux qui venaient faire
le pied de grue dans la salle d’attente de son cabinet.

— Ça doit faire trente ans qu’on ne s’est pas vu, alors je ne
peux pas t’en vouloir.

Son sourire était rafraichissant. De jolies fossettes
remontaient sur ses joues en gonflant ses pommettes. Elle avait
des yeux expressifs, des traits fins qui cachaient
harmonieusement les rides naissantes de son visage. Il en voulut
à sa mémoire de flancher car il aurait aimé faire preuve de
réciprocité en la reconnaissant à son tour. Mais impossible de la
remettre. Elle reprit les rênes de la discussion :

— Si je m’en souviens autant, c’est parce que ce jour-là tu
m’as brisé le cœur.

« Mais oui bien sûr, Cécile ! » La petite blondinette qui avait

jeté son dévolu sur lui en terminale. Celle avec qui il était sorti
pour prendre le large vis-à-vis de Nathalie. Cécile qui lui avait
servi de bouche-trou dans une période compliquée de son
existence. Cette sale période où Nat n’aimait qu’un seul être :
Alexandre. Il fut saisi de honte de ne pas l’avoir reconnue. Avait-
elle changé à ce point ou bien ne l’avait-il jamais vraiment
regardée ?

Avait-il seulement été une fois honnête avec elle ?
— Excuse-moi Cécile mais bien sûr que je me souviens de

toi. Répondit-il en tentant de se racheter.

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