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emble. Ce signe d’intimité trahissait un caractère d’urgence,
déjà matérialisé par sa présence. Car rappelons qu’en 1978,
lorsqu’une personne n’était pas équipée du téléphone, le seul

recours à sa disposition en cas de besoin était de se déplacer,

comme venait de le faire Bernard.
Depuis le mois d’avril 1975, la direction générale des

télécommunications avait entrepris de tripler les lignes

téléphoniques en France. Le chantier était en cours mais le
téléphone restait en attendant un élément d’inégalité sociale. Car

si le Docteur Giordano avait déjà sa ligne, Bernard faisait partie

des nombreuses personnes qui attendraient encore des années
avant de disposer d’un moyen de communication moderne et

efficace depuis son domicile.
Entre temps, Nicolas s’était rapproché de son père et d’où il

était, il pouvait lire la détresse dans le regard de l’éleveur. Ce

grand gaillard, que tout le monde connaissait et habituellement
d’une nature tranquille, n’était plus que l’ombre de lui-même. Il
faisait pitié à quémander de l’aide sous la pluie battante. Contre

toute attente, Nicolas entendit son père répondre :
— Bon, je prends ma trousse et j’arrive.
— Je peux venir avec toi ? Le supplia Nicolas.
En temps normal, le médecin n’aurait jamais emmené son

fils chez un patient mais ce jour-là, il analysa la situation
différemment. Ce n’était pas un malade comme les autres.

Partisan de toute forme de pédagogie, Giacomo trouvait même
qu’un vêlage pouvait être un moment instructif pour un garçon

de son âge. Il donna donc son accord.
Surexcité, le fiston se pressa d’aller lacer ses chaussures

pendant que son père rassemblait divers matériels, stockés dans
les armoires de son cabinet. Hors de question d’aller au chevet
d’un patient sans instrument même si cette consultation n’avait

rien de conventionnel.

De son côté, Flavia se résigna à rapporter la soupière dans la

cuisine et à éteindre le gaz du four dans lequel réchauffaient un

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