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Dehors, c’était l’apocalypse.
Il y avait de l’électricité dans l’air au sens propre comme au
figuré. Le toit de l’étable vibrait sous chaque impact de grêle. La
tension était grande. Tout en frissonnant, Nicolas s’inventa une
histoire. Une histoire de gamin de dix ans imaginant que l’orage
était venu pour emmener le petit et sa mère dans une mort
tonitruante. À son âge, la foudre se comparait aisément à une
exécution macabre. Qui sait si les ténèbres n’étaient pas en train
d’ouvrir les portes de l’enfer pour avaler la génisse et son veau ?
L’esprit d’un enfant a ce charme de se montrer parfois lunaire.
Heureusement qu’il en fallait plus au Docteur Giordano pour
perdre son sang-froid. Malgré le tintamarre environnant et avec
des gestes qu’il semblait connaitre par cœur, il avait réussi à
sortir l’animal par l’ouverture contre nature qu’il avait ciselée
lui-même. Ensuite, il avait délicatement déposé le nouveau-né
sur le sol pendant que Malartigues criait à son fils de lui apporter
un seau d’eau. Lorsque l’animal en fut copieusement arrosé, il
commença à bouger sous les yeux extasiés de Nicolas et
d’Alexandre qui s’inquiétaient de sa léthargie post-natale.
Lorsque Ginette le frotta avec du foin pour retirer le placenta qui
le recouvrait, le jeune bovin s’anima doucement.
Quel moment magique !
Sans assistance, le petit serait mort et aurait emporté sa mère
avec lui. Pourtant, il était là, à leurs pieds en train de se saouler
de ses premières bouffées d’oxygène.
Dehors, l’orage commençait à s’éloigner. « Bien fait pour
toi la mort ! » songea Nicolas, encore absorbé par son imaginaire.
« La vie t’a vaincu ».
Puis Giordano s’attaqua au long travail de couturier qui
l’attendait. À l’aide d’une grande aiguille et de fils, il recousit
d’abord l’utérus de la génisse puis son flanc avec soin. Après
presqu’une heure consacrée à cette tâche, ses bras et sa chemise
étaient recouverts de sang. Ce qui lui donnait des faux-airs de
boucher dépeceur. Mais les yeux remplis de fierté de son fils
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Il y avait de l’électricité dans l’air au sens propre comme au
figuré. Le toit de l’étable vibrait sous chaque impact de grêle. La
tension était grande. Tout en frissonnant, Nicolas s’inventa une
histoire. Une histoire de gamin de dix ans imaginant que l’orage
était venu pour emmener le petit et sa mère dans une mort
tonitruante. À son âge, la foudre se comparait aisément à une
exécution macabre. Qui sait si les ténèbres n’étaient pas en train
d’ouvrir les portes de l’enfer pour avaler la génisse et son veau ?
L’esprit d’un enfant a ce charme de se montrer parfois lunaire.
Heureusement qu’il en fallait plus au Docteur Giordano pour
perdre son sang-froid. Malgré le tintamarre environnant et avec
des gestes qu’il semblait connaitre par cœur, il avait réussi à
sortir l’animal par l’ouverture contre nature qu’il avait ciselée
lui-même. Ensuite, il avait délicatement déposé le nouveau-né
sur le sol pendant que Malartigues criait à son fils de lui apporter
un seau d’eau. Lorsque l’animal en fut copieusement arrosé, il
commença à bouger sous les yeux extasiés de Nicolas et
d’Alexandre qui s’inquiétaient de sa léthargie post-natale.
Lorsque Ginette le frotta avec du foin pour retirer le placenta qui
le recouvrait, le jeune bovin s’anima doucement.
Quel moment magique !
Sans assistance, le petit serait mort et aurait emporté sa mère
avec lui. Pourtant, il était là, à leurs pieds en train de se saouler
de ses premières bouffées d’oxygène.
Dehors, l’orage commençait à s’éloigner. « Bien fait pour
toi la mort ! » songea Nicolas, encore absorbé par son imaginaire.
« La vie t’a vaincu ».
Puis Giordano s’attaqua au long travail de couturier qui
l’attendait. À l’aide d’une grande aiguille et de fils, il recousit
d’abord l’utérus de la génisse puis son flanc avec soin. Après
presqu’une heure consacrée à cette tâche, ses bras et sa chemise
étaient recouverts de sang. Ce qui lui donnait des faux-airs de
boucher dépeceur. Mais les yeux remplis de fierté de son fils
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