Page 145 - I009461_BAT
P. 145
s avez dit que vous aviez publié votre premier
livre, à l’âge de dix-neuf ans, totalement à l’abri
du succès. Qu’est-ce qui vous a motivé et poussé à
travailler par la suite ?

Je me suis dit que le roman ne devait pas être le
monde qui m’attendait dans mon cœur et dans ma
tête. Sans doute étais-je déjà attiré par le spectacle
vivant et par l’envie d’écrire pour des personnes et de
voir leurs réactions. Rien n’est plus émouvant, lorsque
vous avez écrit une pièce et qu’elle se joue, d’entrer
pendant la représentation, de prendre un strapontin
au fond de l’orchestre (à côté de l’ouvreuse ou même
tout seul maintenant), et d’entendre la respiration
de la salle, tantôt un silence, tantôt des éclats de rire.
C’est très émouvant, c’est une grande récompense. J’ai
besoin de respirer avec les gens, de parler avec eux,
de vivre avec eux, de vivre comme eux. Claude Sautet
disait qu’il ne pouvait filmer que ce qu’il connais-
sait ; je suis un peu pareil, même si le rôle d’un auteur
est de sortir aussi de ce qu’il connaît. C’est pourtant
une grande solitude que d’écrire une pièce, un scéna-
rio ou une chanson ; mais c’est une solitude qui est
peuplée de ces fantômes qui vont prendre chair après
et qui vont être les personnages du public. Je crois
que j’étais attiré par cela. Il est vrai que la première
chose que j’ai écrite pour le public était Le Vison
voyageur, que j’avais adapté très librement d’un auteur

143
   140   141   142   143   144   145   146   147   148   149   150